* Laurent Fabius lundi et mardi à New Delhi et Bombay

* "On va essayer de relancer la machine", dit-on de source diplomatique française

* Le dossier Rafale prioritaire

* D'autres pays regardent avec intérêt la politique de défense du nouveau gouvernement

par Frank Jack Daniel

NEW DELHI, 29 juin (Reuters) - Les ambitions du nouveau Premier ministre indien Narendra Modi en matière de défense aiguisent les appétits des gouvernements occidentaux qui y voient la perspective de contrats d'armements et de partenariats dans le secteur de la défense.

Premier en lice, Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française, se rend lundi et mardi à New Delhi et Bombay pour une visite de deux jours au cours de laquelle il sera reçu par le triomphateur des élections législatives du printemps mais aussi par la ministre des Affaires extérieures, Sushma Swaraj, et par Arun Jaitley, principal ministre du nouveau gouvernement qui cumule les Finances et la Défense.

"Le partenariat stratégique a un peu patiné, l'idée c'est de reprendre langue avec des gens qui n'ont pas eu le pouvoir depuis huit ans, qui sont pleins de bonnes intentions à ce stade et avec lesquels on va essayer de relancer la machine", dit-on de source diplomatique française.

Les discussions sur le contrat de livraison d'avions Rafale seront naturellement au coeur des échanges de Fabius avec ses interlocuteurs indiens. La France négocie depuis des années la vente à l'Inde de 126 exemplaires de l'avion construit par Dassault Aviation pour un montant estimé à 15 milliards de dollars.

Au ministère indien de la Défense, une source assurait jeudi que l'accord pourrait être finalisé lors de la visite du ministre français et signé dans le courant de l'année. "C'est un dossier qui avance, les négociations se poursuivent", dit-on à Paris sans donner plus de précisions.

DÉLÉGATION MINISTÉRIELLE BRITANNIQUE EN JUILLET

D'autres pays sont dans les starting-blocks.

John McCain, ancien candidat républicain à la Maison blanche et sénateur de l'Arizona, où les firmes militaro-industrielles Boeing et Raytheon sont très présentes, est attendu cette semaine en Inde.

Il a déclaré jeudi dernier au Sénat que les Etats-Unis devaient accompagner l'essor économique et militaire que Narendra Modri a promis durant sa campagne victorieuse. "C'est un secteur dans lequel les capacités et les technologies américaines en matière de défense ainsi que la coopération - notamment entre nos industries de défense - peuvent énormément bénéficier à l'Inde", a-t-il dit.

Londres devrait de son côté envoyer en juillet le secrétaire au Foreign Office William Hague et le ministre des Finances George Osborne, indiquait-on vendredi de source gouvernementale britannique.

La lenteur des négociations franco-indiennes sur le projet de contrat Rafale est interprétée comme un signe positif par la Grande-Bretagne qui garde en réserve son propre chasseur, le Typhoon du consortium Eurofighter emmené par le britannique BAE Systems.

La Russie, longtemps premier fournisseur d'armes à l'Inde mais dépassée l'an dernier par les Etats-Unis selon l'IHS Jane's, a pris de vitesse tout son monde en envoyant il y a deux semaines à New Delhi son vice-Premier ministre Dmitri Rogozine.

ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES SUR L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER ?

"Tous ces pays tentent de défendre leurs projets, surtout qu'ils ont le sentiment que le marché indien est sur le point de s'engager dans une transformation radicale et ils veulent être les premiers à y mettre le pied", analyse Harsh Pant, professeur de relations internationales et spécialiste des questions liées à la défense indienne au King's College de Londres.

Narendra Modi, issu du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata (BJP), entend développer les capacités militaires de l'Inde et transformer progressivement le premier importateur mondial d'armes en pays producteur d'armes.

Un des moyens d'y parvenir pourrait être d'assouplir les règles encadrant la participation d'investissements étrangers dans ce secteur.

Pour l'heure, les entreprises étrangères ne peuvent investir à plus de 26% dans des projets de défense en Inde. Au-delà, elles doivent consentir à des transferts de technologies, un frein aux appétits de nombreux investisseurs. (avec Marine Pennetier à Paris, Andrew Osborn à Londres et Andrea Shalal-Esa à Washington; Henri-Pierre André pour le service français)