par Conor Humphries et Padraic Halpin

DUBLIN, 23 mai (Reuters) - Les bureaux de vote ont fermé vendredi soir en Irlande où les électeurs se sont rendus en masse pour se prononcer par référendum sur le mariage homosexuel.

Vingt-deux ans après la dépénalisation de l'homosexualité, le "oui" au droit au mariage pour tous, soutenu par l'ensemble des partis politiques du pays, devrait largement l'emporter, à en croire les intentions de vote mesurées par les instituts de sondage.

Aucun sondage sortie des urnes n'a été diffusé et il faudra patienter jusqu'à la proclamation des résultats, attendus ce samedi en milieu de matin.

Mais la très forte participation est interprétée comme le signe d'une nette victoire à venir pour le camp du "oui", qui espérait une solide mobilisation des jeunes électeurs qui se sont enregistrés en nombre sur les listes alors que la campagne gagnait en importance.

"Il semble qu'il y ait eu une forte mobilisation dans les zones urbaines, ce qui serait bénéfique pour le camp du 'oui'", a reconnu Mattie McGrath, l'un des deux seuls parlementaires irlandais, sur 166, à avoir milité pour le "non".

A Dublin, selon la chaîne publique RTE, la participation devrait frôler les 60%, du jamais vu depuis des années pour une consultation référendaire.

Dans de nombreux bureaux de vote, la participation à 17h00 était aussi importante que la participation observée à 22h00 lors du précédent référendum, en 2013. Les électeurs étaient alors appelés à se prononcer sur une tout autre question, la suppression de la chambre haute du Parlement. La participation n'avait pas atteint 40%.

L'Irlande est le premier pays au monde à soumettre la question du mariage homosexuel à référendum.

Le scrutin de vendredi pourrait traduire un recul de l'influence de l'Eglise catholique mais aussi illustrer une fracture entre les villes et les campagnes. Cette tendance avait déjà été observée en 1995 lors du vote sur la légalisation du divorce, seulement soutenue par cinq des 30 circonscriptions en dehors de Dublin.

L'EGLISE CATHOLIQUE EN RETRAIT

En 1993, la dépénalisation de l'homosexualité, qui avait mis l'Irlande en accord avec tout le reste de l'Europe occidentale, avait profondément divisé une opinion très croyante.

Mais en une génération, la société a nettement évolué et le Premier ministre Enda Kenny, catholique pratiquant, s'est même rendu dans un bar gay durant la campagne.

Fragilisée par des scandales à répétition, notamment des accusations d'abus sexuels, l'Eglise catholique s'est tenue à l'écart de la campagne officielle, même si l'archevêque de Dublin est intervenu dans la dernière ligne droite. "L'époque où les évêques disaient aux gens comment voter est depuis longtemps révolue mais nous avons constamment dit qu'il ne s'agissait pas d'un sujet simple", a déclaré Mgr Diarmuid Martin sur l'antenne de la RTE. "Le mariage ne concerne pas seulement deux personnes qui tombent amoureuses, le mariage est lié à la famille et aux enfants et on ne peut pas les séparer."

Les instituts de sondage donnent les partisans du mariage homosexuel vainqueurs avec deux fois plus de voix que ses adversaires.

La consultation a pris une dimension internationale et le mot-clé #VoteYes est devenu l'un des sujets les plus commentés sur Twitter. Des milliers d'expatriés irlandais vivant en Grande-Bretagne mais également certains à New York ou Sydney sont rentrés au pays pour voter.

"C'est une ambiance festive. On a accroché des affiches et gonflé des ballons", a commenté Joey Kavanagh qui, avec 50 compatriotes, a fait huit heures de trajet en train et en ferry de Londres à Dublin. (Jean-Philippe Lefief, Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français)