(Actualisé avec envoi d'une mission d'enquête)

par Stephanie Nebehay

GENEVE, 1er septembre (Reuters) - Le Conseil des droits de l'homme des Nations unies a décidé lundi l'envoi d'une mission en Irak pour enquêter sur les crimes d'une "ampleur inimaginable" commis par les djihadistes de l'Etat islamique (EI).

Réuni en urgence à Genève, le Conseil a adopté une résolution présentée par l'Irak et la France.

Il souhaite dépêcher en Irak une équipe de 11 enquêteurs dotée d'un budget de 1,18 million de dollars, chargée de venir lui rendre compte de sa mission d'ici mars 2015.

Les hommes de l'Etat islamique ont conquis de vastes territoires dans le nord de l'Irak et en Syrie voisine depuis le mois de juin, proclamant l'avènement d'un califat et faisant fuir des centaines de milliers d'habitants. Au moins 1.420 personnes ont été tuées dans les violences en Irak durant le seul mois d'août, selon les chiffres des Nations unies.

Avant le vote du texte à Genève, Flavia Pansieri, haut commissaire adjoint des Nations unies pour les droits de l'homme, a déclaré en ouverture des débats qu'il existait des "preuves accablantes" montrant que l'EI et ses alliés avaient commis des tueries ciblées, pratiqué des enlèvements, infligé des tortures et des violences sexuelles et contraint certains à se convertir.

"Les informations en notre disposition font état d'actes inhumains à une échelle inimaginable", a-t-elle déclaré devant le Conseil, qui se réunissait pour la première fois depuis le début de l'offensive de l'EI.

Les troupes irakiennes ont elles aussi commis des actes qui pourraient être qualifiés de crimes de guerre, a ajouté Flavia Pansieri, qui a dit par la suite à Reuters qu'ils n'étaient pas de la même ampleur que les atrocités perpétrées par l'EI.

CRIMES CONTRE L'HUMANITÉ

Ainsi, la police irakienne a-t-elle exécuté des détenus à Tal Afar et des miliciens soutenant le gouvernement de Bagdad ont-ils ouvert le feu sur une mosquée du district de Khanakine, au nord-est de Bagdad, tuant 73 hommes et garçons, a-t-elle dit.

L'armée irakienne a pilonné des villes et lancé des raids aériens près de Kirkouk, ainsi qu'à Falloudja, Salahouddine, tuant et blessant des civils par dizaines, a ajouté Flavia Pansieri.

"Les actes systématiques et intentionnels contre des civils peuvent constituer des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Certains individus, dont des officiers, ont commis de tels actes", a-t-elle expliqué en faisant allusion à des crimes commis par les deux camps.

Le ministre irakien des Droits de l'homme, Mohamed Chia Al Soudani, a déclaré devant le Conseil que les djihadistes de l'Etat islamique (EI), "débordant de barbarie", menaçaient son pays et la communauté internationale, mais il n'a pas répondu aux accusations visant l'armée régulière irakienne.

Flavia Pansieri s'est déclarée particulièrement inquiète concernant la persécution exercée par les hommes de l'EI envers les chrétiens, les Yazidis, les chiites, les Turcomans (ou Turkmènes) et d'autres groupes ethniques.

"Ces communautés vivaient sur le même territoire depuis des siècles, dans certains cas depuis des millénaires", a-t-elle ajouté, en estimant qu'un tel "nettoyage ethnique et religieux" pourrait équivaloir à un crime contre l'humanité.

"Les Yazidis ont été enterrés vivants, décapités ou exécutés massivement", a déclaré l'ambassadeur des Etats-Unis au Conseil des droits de l'homme, Keith Harper. (Eric Faye et Bertrand Boucey pour le service français)