Son président Mario Draghi a précisé jeudi que les premiers achats d'obligations d'Etat et d'institutions publiques dans le cadre du nouveau programme d'"assouplissement quantitatif" (quantitative easing, QE) auraient lieu lundi, le 9 mars.

La BCE prévoit de consacrer 60 milliards d'euros par mois jusqu'en septembre 2016 au moins à ses achats d'actifs sur les marchés, qui lui permettent d'injecter en masse des liquidités dans le système financier afin de doper le crédit et de faire remonter l'inflation, aujourd'hui négative.

L'institution, dont les taux d'intérêt restent fixés à leur plus bas niveau historique, prévoit désormais une croissance de 1,5% cette année dans la zone euro, contre 1,0% attendu en décembre. Pour 2016, elle attend une croissance de 1,9% contre 1,5% il y a trois mois.

"Les dernières données économiques, en particulier les résultats des enquêtes disponibles jusqu'à la fin février, reflètent de nouvelles améliorations de l'activité économique au début de cette année", a déclaré Mario Draghi lors d'une conférence de presse après la réunion du Conseil des gouverneurs, qui s'est tenue pour une fois à Chypre.

"Nous nous attendons à ce qu'à l'avenir, la reprise économique s'élargisse et se renforce graduellement."

Selon un décompte de Reuters, plus de la moitié des principaux indicateurs économiques de la zone euro ont dépassé le consensus des estimations d'économistes depuis le début de l'année et bon nombre d'entre eux ont atteint les estimations les plus optimistes.

RENDEZ-VOUS EN SEPTEMBRE 2016

"Draghi a mis cette embellie à l'actif de l'action de la BCE, qui s'est ajoutée à la chute des cours du pétrole, à la faiblesse de l'euro", a commenté Hervé Goulletquer, responsable de la stratégie de La Banque postale Asset Management (LBPAM). "Il y a une sorte de volontarisme à mettre en avant l'impact de la mise en oeuvre de leur action".

La confirmation du lancement du QE a permis aux Bourses européennes d'amplifier leur progression jeudi, tandis que l'euro et les emprunts d'Etat reculaient.

La monnaie unique est tombée à son plus bas niveau depuis septembre 2003 face au dollar, à 1,1005. L'indice boursier EuroStoxx 50 gagnait 0,78% à la clôture et à Paris, le CAC 40 s'adjugeait 0,92% tandis que les rendements des obligations à 10 ans portugaises et italiennes affichaient de nouveaux plus bas historiques.

L'inflation, négative pour l'instant (à -0,3% annuel en février), devrait être nulle sur l'ensemble de cette année avant de remonter à 1,8% en 2017, un niveau qui correspondrait à l'objectif de la BCE puisque celle-ci vise un taux inférieur à mais proche de 2%. Un tel scénario permettrait donc d'interrompre les achats de dette en septembre 2016, l'échéance fixée pour l'instant.

Malgré l'optimisme que traduisent ses nouvelles prévisions, la BCE est encore loin d'avoir convaincu les marchés de l'efficacité de sa politique d'assouplissement quantitatif : la moitié seulement des économistes interrogés la semaine dernière par Reuters ont dit s'attendre à ce que les achats d'obligations ramènent l'inflation vers l'objectif et la moitié d'entre pensent que le QE devra être prolongé au-delà de septembre 2016.

Pourtant, certains signes peuvent inciter à conclure que l'inflation a désormais touché un point bas: le chiffre de -0,3% publié pour février est supérieur au consensus, les cours du pétrole ont rebondi, la croissance s'accélère et l'euro est au plus bas depuis 11 ans et demi face au dollar, un bon point pour l'inflation "importée".

L'anticipation du QE a déjà eu pour effet de faire tomber les coûts de financement de plusieurs pays de la zone euro à des plus bas historiques, permettant par exemple à l'Espagne d'emprunter à 10 ans au taux de 1,3% seulement, un taux désormais inférieur à 0,6% pour la France.

DISTORSIONS

Certains analystes jugent d'ailleurs que la BCE risque de provoquer des distorsions sur le marché obligataire en achetant des obligations affichant des rendements négatifs. Mario Draghi a expliqué jeudi que les achats ne concerneraient que des rendements supérieurs ou égaux au taux de dépôt de la banque centrale, soit -0,2%.

L'autre motif d'inquiétude pour les marchés est la capacité de la BCE à trouver assez de vendeurs pour atteindre ses objectifs mensuels alors que les marchés regorgent déjà de liquidités et que les banques ont pour obligation de renforcer leur bilan en conservant les actifs les plus sûrs, dont font partie les emprunts souverains.

"Il pourrait y avoir des complications. Nous pensons qu'elles ne sont pas pertinentes", a dit Mario Draghi en notant que la moitié de l'encours des obligations souveraines émises dans la zone euro était détenu en dehors de la région.

Il a profité de sa conférence de presse pour rappeler les gouvernements à leurs obligations en matière de réformes.

"Il est crucial que des réformes structurelles soient mises en oeuvre de manière rapide, crédible et effective", a-t-il dit.

Un credo qui vaut entre autres pour la Grèce, à laquelle Mario Draghi a adressé un message de fermeté en laissant entendre que la BCE ne relèverait pas le plafond des emprunts à court terme imposé à Athènes.

(avec Michele Kambas à Nicosie et Paul Carrel à Francfort, Marc Angrand et Raoul Sachs pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

par John O'Donnell et Balazs Koranyi