La BCE sera alors plus en mesure de décider si cette forme d'assouplissement quantitatif (QE) s'impose pour redonner de l'élan à la zone euro et lui épargner la déflation.

Pour ce faire, la BCE a déjà commencé à acheter des obligations sécurisées et des titres adossés à des actifs (ABS) et elle compte porter la taille de son bilan à son niveau de mars 2012, ce qui revient à l'augmenter de 1.000 milliards d'euros.

"Nous devons bien sûr surveiller attentivement si le rythme de son évolution est conforme à cette attente", a dit Vitor Constancio, faisant référence à l'économie de la zone euro. "En particulier, au cours du premier trimestre de l'année prochaine, nous serons en mesure de mieux évaluer si c'est le cas", a-t-il ajouté.

"Si ce n'est pas le cas, nous devrons envisager d'acheter d'autres actifs, notamment des dettes souveraines sur le marché secondaire, le marché de titres disponibles le plus volumineux et le plus liquide", a-t-il poursuivi, selon le texte d'un discours prononcé à Londres.

L'euro a touché ses plus bas niveaux du jour, tandis que les marchés boursier et obligataire de la zone euro ont monté après les propos de Constancio.

"Il est évident que ce discours accroît les chances d'observer des rachats de dettes souveraines au premier trimestre", a commenté Christian Schulz, économiste de la banque Berenberg. "Les marchés risquent d'être déçus et la confiance risque d'en prendre un coup si la BCE ne s'exécute pas".

Mario Draghi, le président de la BCE, s'est dit prêt vendredi à mobiliser des outils supplémentaires, si ceux en vigueur ne suffisaient pas, ce qui a été interprété comme la possibilité de racheter des obligations publiques de la zone euro.

Certains pays, au premier rang d'entre eux l'Allemagne, s'opposent à une telle politique, qui reviendrait, selon eux, à ce que la BCE finance indirectement les Etats.

"CAPITAL KEY"

En tous les cas, les déclarations de Constancio ont laissé percevoir le calendrier le plus précis à ce jour fourni par un responsable de la BCE sur la mise en oeuvre éventuelle de rachats d'emprunts d'Etat.

"Ce serait une décision de pure politique monétaire (...) dans le cadre de notre mandat et de notre compétence juridique", a assuré Vitor Constancio, mentionnant le terme de "capital key" (clé de répartition), qui signifie que la BCE rachèterait de la dette souveraine en fonction, peu ou prou, du poids économique de chacun des 18 pays de la zone euro.

Ce qui voudrait dire que 18% environ de l'argent ainsi dépensé irait aux Bunds allemands, 14% aux OAT françaises, 12% aux BTP italiens et 8% au papier espagnol.

Certains se demandent par ailleurs si racheter des obligations souveraines, ce qui aurait pour effet de faire diminuer les rendements, serait pertinent dans la mesure où les coûts de financement sont déjà faibles.

Un argument qu'écarte Vitor Constancio. "L'effet de transmission va bien au-delà de l'effet direct sur les rendements des valeurs rachetées", a-t-il expliqué.

Elle induit "un repérage et une influence des anticipations d'inflation, l'étude des effets secondaires résultant du fait que les investisseurs utilisent le cash pour racheter d'autres actifs, y compris étrangers avec toute l'influence que cela suppose sur les taux de change, et enfin, le dégagement d'espaces dans les bilans bancaires pour accroître le crédit à l'économie réelle".

L'opposition allemande à un QE en bonne et due forme serait une pierre dans le jardin de la BCE mais elle ne suffirait pas à la dissuader. La Bundesbank s'était opposée aux achats par la BCE d'obligations grecques, portugaises, espagnoles, italiennes et irlandaises, durant la crise de la zone euro, ainsi qu'à son programme d'Opérations monétaires sur titres (OMT).

Dans les deux cas, les décisions furent acquises à une "majorité confortable" et on peut supposer qu'il en serait de même pour le QE au vu d'une situation économique atone.

Le taux d'inflation dans la zone euro est de 0,4%, soit nettement moins que l'objectif de la BCE d'un taux inférieur mais proche de 2%. Pour Vitor Constancio, ce taux d'inflation "menace de rester bas pour un certain temps".

"L'environnement qui prévaut actuellement de faible croissance nominale crée de graves risques pour le tissu social et économique de la zone euro", a-t-il mis en garde.

(avec Anirban Nag, Bertrand Boucey et Wilfrid Exbrayat pour le service français, édité par Jean-Michel Bélot)

par Marc Jones