Zurich (awp) - La Banque nationale suisse (BNS) a maintenu jeudi sa politique monétaire inchangée, comme l'attendaient la majorité des observateurs. Mais elle a légèrement nuancé ses déclarations sur le franc, prenant en compte la récente dépréciation de la devise helvétique par rapport à l'euro, sans se départir de sa prudence habituelle.

"Le franc se maintient à un niveau élevé", a indiqué l'institut d'émission dans son communiqué, une annonce marquant un changement par rapport aux précédentes déclarations qui se cantonnaient à répéter que "le franc reste nettement surévalué".

La banque centrale helvétique a cependant reconnu que "la situation sur le marché des changes reste fragile", d'où un maintien des taux négatifs et des interventions "au besoin" sur le marché des devises.

Ce léger changement de vocabulaire, lié au maintien des mesures de la BNS, a eu l'effet escompté sur le franc, la paire de devises se relâchant nettement à 1,15310 EUR/CHF à 10h25, contre 1,14667 vers 9h00 soit avant les annonces de la BNS.

Pour le reste, la banque centrale n'a pas modifié ses instruments de politique monétaire. Le taux d'intérêt appliqué aux avoirs à vue détenus à la BNS demeure fixé à -0,75% et la marge de fluctuation du Libor à trois mois comprise entre -1,25% et -0,25%.

L'institut d'émission a par contre raboté ses projections de croissance pour l'économie helvétique en 2017 à "près de 1%", alors qu'elle tablait sur "environ 1,5%" en juin. La correction s'explique par le niveau médiocre du PIB au cours des derniers trimestres.

La BNS table sur une poursuite de l'évolution favorable de la conjoncture internationale les prochains trimestres. Des "facteurs géopolitiques" pourraient néanmoins assombrir les perspectives. En Suisse, le dynamisme des exportations de biens s'est accru, soutenant l'activité industrielle. La situation sur le marché du travail s'améliore progressivement, a noté l'institut.

Du fait de l'évolution des cours de change, la prévision d'inflation conditionnelle a été légèrement revue à la hausse pour l'année en cours et les deux suivantes. En 2017, elle est attendue à 0,4%, contre 0,3% précédemment. Même chose pour 2018. En 2019, le taux d'inflation devrait atteindre 1,1%, contre 1,0% dans la prévision de juin.

Plus tôt dans la matinée, l'institut BAK Basel a également abaissé les prévisions de croissance de l'économie suisse à 1,0% en 2017, contre 1,4% dans ses précédentes estimations. Les anticipations pour 2018 sont par contre relevées à 2,3% contre 1,8% auparavant. Malgré un environnement positif, la croissance n'a accélérée que modérément au premier semestre, ont justifié les économistes bâlois.

ATTENTION À LA BCE ET À L'ITALIE

Au deuxième trimestre, le produit intérieur brut (PIB) de la Suisse a progressé de 0,3% sur un trimestre, après une progression de 0,1% entre janvier et mars. Sur un an, la croissance a crû de 0,3% au deuxième trimestre, après +0,6% au premier.

Pour les analystes de VP Bank, la BNS "reste sur ses gardes", mais se déclare "satisfaite" de l'évolution sur le marché des changes. Les spécialistes ont cependant appelé à la prudence, soulignant que la récente faiblesse du franc était essentiellement provoquée par le regain de l'euro.

"Thomas Jordan ne devrait pas être trop optimiste", a ajouté VP Bank, renvoyant aux négociations sur le Brexit, les manifestations en France contre la réforme du droit du travail, ainsi que les prochaines législatives italiennes au printemps 2018.

"La BNS agit aussi prudemment que la BCE en matière de taux directeurs", ont affirmé les spécialistes de LBBW dans une note. Jeudi dernier, l'institut francfortois avait maintenu ses principaux taux inchangés. La BCE avait indiqué décider "en octobre" du maintien l'an prochain de son programme de rachat de dette.

LBBW a rappelé qu'il était très improbable que la BNS devance la BCE en matière de resserrement de politique monétaire. Pour le franc, il est primordial que l'euro continue de se renchérir, ce qui pourrait rapprocher la paire de devises vers les 1,20 EUR/CHF. Mais une réaction à la vigueur de la monnaie unique européenne et l'approche des législatives italiennes pourraient mettre fin à la faiblesse du franc, ont averti les analystes de la banque allemande.

al/lk