Tokyo (awp/afp) - La Banque du Japon (BoJ) a maintenu jeudi inchangée sa politique monétaire, sur fond de modeste embellie de la troisième économie mondiale, quelques heures après un tour de vis monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed).

La réunion du gouverneur Haruhiko Kuroda et de ses pairs s'est soldée sur un statu quo, pour la quatrième fois de suite. Après avoir innové en 2016 pour tenter d'extirper l'archipel de sa torpeur, la BoJ a choisi de temporiser, observant tous azimuts.

Dans son viseur, il y a d'abord, dit-elle, "les développements de l'économie américaine et son impact sur la politique monétaire". La Fed a relevé ses taux directeurs à deux reprises depuis l'élection de Donald Trump en novembre, un signe de confiance qui doit en théorie doper le dollar, et le cas échéant rendre le cours du yen plus avantageux pour les groupes exportateurs japonais.

Il y a ensuite les risques politiques en Europe, avec le Brexit, nommément cité dans le communiqué de la BoJ, qui se profile, et l'élection présidentielle française. "Ces événements pourraient mettre en question l'existence de l'Union européenne et de l'euro", soulignait récemment dans une note Yasunari Ueno, économiste chez Mizuho Securities.

- 'Expansion modérée' -

Il y a aussi l'administration Trump, dont les accents protectionnistes auront sans nul doute un impact sur l'ordre économique mondial. Les grandes lignes pourraient se dessiner à Baden-Baden (Allemagne), où se réunissent vendredi et samedi les grands argentiers du G20 avec l'espoir d'ancrer les Etats-Unis dans le multilatéralisme, un engagement rappelé jeudi avant son départ par le ministre japonais des Finances Taro Aso.

En attendant, la BoJ bénéficie d'une amélioration de la conjoncture internationale qui a redonné du tonus au commerce extérieur. Fin janvier déjà, elle avait relevé ses prévisions, se livrant à un discours optimiste qu'elle a réitéré jeudi.

Elle entrevoit "une expansion modérée" de l'économie, dans la lignée de 2016. L'an dernier, le Japon a affiché une croissance continue, un fait inédit depuis 2013 et, si le Produit intérieur brut (PIB) augmente de nouveau au premier trimestre 2017, il s'agira de la plus longue série positive en une décennie.

Autre bonne nouvelle pour la banque centrale, qui oeuvre dans le cadre de la stratégie "abenomics" lancée fin 2012 par le gouvernement de Shinzo Abe, les prix à la consommation ont rebondi en janvier, première hausse depuis décembre 2015.

"La BoJ a peu de raison de faire plus maintenant, alors que l'économie retrouve de l'élan", estime Yuki Masujima, analyste de Bloomberg Intelligence. Dans le même temps, "il est trop tôt" pour commencer à durcir la politique: "L'inflation est encore trop loin de la cible de 2%".

- Maigres hausses salariales -

Le Japon n'est pas sorti de la déflation, un phénomène pernicieux qui handicape l'économie depuis deux décennies en conduisant notamment les ménages à reporter leurs dépenses. Malgré l'ambition des "abenomics", cet état d'esprit persiste et les prudentes augmentations salariales annoncées mercredi par plusieurs grandes entreprises, au terme des négociations du printemps entre patrons et syndicats, ne suffiront sans doute pas à changer la donne.

Pas question donc pour la BoJ de relâcher la pression. A l'issue d'une réunion de deux jours, les membres du comité de politique monétaire ont reconduit la panoplie de mesures adoptées ces dernières années pour stimuler le crédit et promis de continuer "aussi longtemps que nécessaire" pour atteindre leur objectif de hausse des prix de 2%.

D'une part, ils ont laissé les taux négatifs à -0,1%, soit une pénalité imposée aux banques qui déposent de l'argent dans les coffres de la BoJ, afin de les inciter à prêter aux entreprises et aux particuliers.

De l'autre, ils ont décidé de poursuivre le massif programme de rachats d'actifs -d'environ 80.000 milliards de yens par an (655 milliards d'euros)- en le modulant pour que le taux des obligations d'Etat à 10 ans se situe autour de zéro.

La semaine dernière, la Banque centrale européenne (BCE) avait elle aussi décider de garder en l'état sa politique très interventionniste, tout en préparant les esprits à un possible resserrement monétaire.

afp/al