Le nouveau gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, qui présidait pour la première fois la réunion mensuelle de l'institution, a fait adopter à l'unanimité le choix de la base monétaire (la somme des liquidités en circulation et des dépôts bancaires) comme objectif prioritaire, en remplacement du taux au jour le jour, dont l'objectif actuel est une fourchette de zéro à 0,1%.

"L'approche précédente d'assouplissement graduel n'était pas suffisante pour sortir le Japon de la déflation et atteindre en deux ans l'objectif de 2% d'inflation", a déclaré Haruhiko Kuroda lors d'une conférence de presse. "Cette fois-ci, nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour atteindre l'objectif."

L'ampleur des changements décidés ce jeudi et le fait qu'ils aient été votés à l'unanimité a favorisé une forte baisse du yen et du rendement des obligations d'Etat japonaises (JGB) à 10 ans, tombé à un nouveau plus bas record sous 0,5%.

La Bourse de Tokyo a quant à elle terminé la journée sur une hausse de 2,2% alors qu'elle perdait plus de 2% en matinée.

"Je peux dire que la BoJ a apporté la réponse parfaite aux attentes du marché, a commenté Junko Nishioka, chef économiste de RBS Securities à Tokyo. En fait, la décision d'aujourd'hui va bien plus loin qu'attendu par le marché, sur lequel certains craignaient que la BoJ n'adoptent pas cette semaine des mesures de politique monétaire offensives."

"Kuroda a tenu sa promesse de renforcer l'assouplissement monétaire, à la fois en volume et par le type d'actifs achetés par la banque centrale."

Pour atteindre en 2015 son objectif de 2% d'inflation, la banque centrale va augmenter ses achats d'actifs sur les marchés afin de doubler le montant global des obligations d'Etat et des "exchange-traded funds" (ETF) figurant à son bilan, y compris en achetant des obligations à 40 ans.

Cela la conduira à acheter chaque mois pour plus de 7.000 milliards de yens (57,5 milliards d'euros) de JGB à long terme.

LE RENDEMENT À 10 ANS À UN PLUS BAS HISTORIQUE

"La BoJ conduira ses opérations sur les marchés monétaires de telle manière que la base monétaire augmentera à un rythme annuel d'environ 60.000 à 70.000 milliards de yens (500 à 580 milliards d'euros)", a précisé l'institution dans un communiqué.

La base monétaire devrait ainsi atteindre 200.000 milliards de yens cette année et 270.000 milliards fin 2014, soit un quasi-doublement par rapport à son niveau de 2012 (138.000 milliards).

Malgré son ampleur, certains observateurs doutent de l'efficacité de cette stratégie.

"Prendre pour objectif la base monétaire va conduire à une énorme augmentation des soldes des comptes courants que les banques commerciales détiennent à la BoJ, mais je ne suis pas sûr que cet argent aille vers l'économie", explique Hiroaki Muto, économiste senior de Sumitomo Mitsui Asset Management.

La première réunion présidée par Haruhiko Kuroda était considérée comme un test clé de sa capacité à faire adopter par la BoJ des mesures de politique monétaire non-conventionnelles.

De ce point de vue, la réaction des marchés semble indiquer que le test a été réussi. Le rendement des obligations à 10 ans japonaises est tombé à 0,425%, son plus bas niveau historique et le yen, orienté à la hausse ces derniers jours, a plongé à environ 95,50 pour un dollar, contre 92,90 avant les décisions.

La nouvelle politique de la BoJ la conduira à augmenter ses achats d'ETF de 1.000 milliards de yens par an et ses achats de parts de fonds d'investissement dans l'immobilier (REIT) de 30 milliards, une perspective qui a favorisé la hausse des valeurs bancaires et immobilières en Bourse jeudi.

Les prix à la consommation au Japon ont encore reculé de 0,3% en février par rapport au même mois de l'an dernier, selon les dernières statistiques disponibles, restant en territoire négatif pour le quatrième mois d'affilée et soulignant l'ampleur de la tâche à laquelle doit s'employer la BoJ pour atteindre 2% d'inflation d'ici 2015.

Parallèlement, la baisse du yen, en favorisant les exportations, favorise une reprise modérée de la troisième économie du monde: le produit intérieur brut (PIB) japonais devrait avoir progressé de 1,0% sur l'exercice budgétaire clos fin mars et les économistes prévoient une croissance de 2,2% pour celui qui vient de débuter.

Avec Tetsushi Kajimoto et Kaori Kaneko, Marc Angrand pour le service français, édité par Nicolas Delame

par Leika Kihara et Stanley White