"A la fin du mois de septembre, lorsque les ministres du Commerce extérieur se réuniront à Bratislava pour avoir un échange sur ce sujet comme sur d'autres, je demanderai au nom de la France l'arrêt des négociations sur le Tafta", a déclaré le secrétaire d'Etat au Commerce Matthias Fekl sur RMC.

Devant les ambassadeurs français réunis à Paris, François Hollande a précisé que la France ne pouvait pas approuver ce projet d'accord en l'état en raison d'un "déséquilibre évident".

"Les discussions, en ce moment-même, sur le traité entre l'Europe et les Etats-Unis (...) ne pourront pas aboutir à un accord d'ici la fin de l'année", a dit le chef de l'Etat.

"La négociation s'est enlisée, les positions n'ont pas été respectées, le déséquilibre est évident", a-t-il ajouté. "La France préfère regarder les choses en face et ne pas cultiver une illusion qui serait celle de conclure un accord avant la fin du mandat du président des Etats Unis."

Entamées en juillet 2013, ces négociations autour de ce projet de traité, connu sous les acronymes TTIP et Tafta, devaient à l'origine aboutir en 2015 et ouvrir la voie à la création d'un marché commun aux règles simplifiées grâce, notamment, à l'instauration de normes communes.

Mais ce projet se heurte à des nombreuses résistances. Ses détracteurs en France s'inquiètent en particulier d'un risque d'abaissement du niveau d'exigence des futures normes sanitaires et environnementales et redoutent les mécanismes de règlement des différends économiques.

"DES MIETTES"

Le 14e round de négociations s'est tenu mi-juillet et une réunion informelle est prévue le 23 septembre en Slovaquie.

"Ce que demande la France, c'est l'arrêt pur, simple et définitif de ces négociations", a souligné Matthias Fekl.

"Pourquoi ? Parce qu'elles ont été engagées dans l'opacité. Il faut un coup d'arrêt net, clair et définitif pour ensuite pouvoir reprendre des discussions sur de bonnes bases."

Pour Matthias Fekl, les discussions ne sont pas "à la hauteur de la relation historique entre l'Europe et les Etats-Unis" qui, selon lui, "ne donnent rien ou alors des miettes".

La France avait déjà menacé en octobre 2015 de mettre un terme à ces négociations si aucun changement substantiel ne survenait en 2016.

Parmi les points soulevés par Paris, le manque de transparence, la question des tribunaux privés pour les litiges entre Etats et multinationales ou encore la défense des produits agricoles ou l'accès au marché public américain.

La résistance au traité existe également en Allemagne, où le ministre de l'Economie Sigmar Gabriel a estimé dimanche que le TTIP était "fini", les deux parties ayant échoué à s'entendre sur leurs multiples points de divergence.

Des déclarations qui tranchent avec l'optimisme affiché à Washington et Bruxelles. Le négociateur américain Michael Forman a estimé que les négociations "progressaient" et la porte-parole de la Commission européenne a fait état de "progrès constants".

"Notre constat, c'est que les conditions ne sont pas réunies et qu'on ne voit pas comment les Américains vont bouger suffisamment d'ici trois mois", souligne cependant une source diplomatique française. "Etant donné l'ampleur de cette négociation et la distance entre nos conditions et les Américains, ce n'est pas faisable."

"C'est un constat qui ne dit pas 'jamais', ça dépend des conditions (...) Si les Américains renversent leur position à 180 degrés, on regardera", ajoute cette source. "La pression est très forte (...) si la Commission européenne veut dire que 'c'est quand même possible', il va falloir qu'elle le démontre."

"GRANDE VICTOIRE"

Même si un accord était conclu, il devrait encore être validé par les 28 Etats membres de l’Union européenne avant d'être voté par le Parlement européen.

La question du traité transatlantique s'est invité dans la pré-campagne électorale en France, à huit mois de l'élection présidentielle.

Le candidat et ancien ministre de l'Economie Arnaud Montebourg a estimé sur RTL que l'abandon des négociations était une "bonne chose". Le co-fondateur du Parti de Gauche Jean-Luc Mélenchon, lui aussi candidat, a également fait état "d'une grande victoire", sur RMC.

Tout en dénonçant un "coup de communication" du gouvernement, le Front national salue dans un communiqué "une bonne nouvelle sur laquelle il faut néanmoins rester très vigilant".

Au sein du parti Les Républicains, le député et candidat à la primaire de droite Henri Guaino s'est également félicité sur France Info de cette décision, pointant une négociation "engagée dans de mauvaises conditions" et accusant les Etats-Unis de "vouloir imposer leur point de vue".

(Sophie Louet, Marine Pennetier et Elizabeth Pineau, édité par Emmanuel Jarry)