(Répétition sans changement de la dépêche diffusée dimanche) (Actualisé tout du long)

par Humeyra Pamuk

ISTANBUL, 13 août (Reuters) - La Turquie a mis au point un plan d'action et ses institutions vont prendre les mesures nécessaires lundi matin pour apaiser les inquiétudes des marchés financiers après que la livre a dévissé face au dollar la semaine passée, a indiqué le ministre turc des Finances.

L'annonce faite par Berat Albayak dans un entretien au journal Hurriyet intervient alors que le président Recep Tayyip Erdogan a réaffirmé son opposition à une hausse des taux d'intérêt et a dénoncé un "complot contre la Turquie", appelant à nouveau ses partisans à soutenir la monnaie nationale.

Berat Albayrak précise que son plan a été mis au point pour les banques et pour les secteurs de l'économie réelle, y compris les petites et moyennes entreprises, qui sont le plus touchés par les fluctuations sur les marchés des changes.

"A partir de lundi matin, nos institutions vont prendre les mesures nécessaires et nous partagerons nos annonces avec les marchés", a dit le ministre.

"Tout notre plan d'action et toutes les mesures sont déjà prêtes", a-t-il ajouté sans fournir de détails.

Au bord de la crise financière, la livre a plongé à un record de plus bas vendredi, perdant jusqu'à 18% dans la plus grosse chute enregistrée depuis 2001.

"C'est le signe évident d'une attaque, d'un défi", a estimé Albayrak.

Le monnaie turque a atteint un nouveau plus bas lundi matin sur les marchés asiatiques à 7,24 livres pour un dollar. A 20h40 GMT, elle avait comblé ses pertes et s'établissait à 7,08 pour un dollar.

Au total, la monnaie turque a perdu plus de 45% de sa valeur depuis le début de l'année sous l'effet de trois facteurs conjugués : les inquiétudes liées à l'influence d'Erdogan sur l'économie, son opposition répétée à une hausse des taux d'intérêt et la tension dans les relations avec les Etats-Unis.

S'exprimant devant ses partisans à Trébizonde, une cité balnéaire de la mer Noire, Erdogan a réfuté dimanche l'idée que la Turquie était confrontée à une crise financière comparable à celle qui a touché les pays asiatiques il y a un vingtaine d'années.

ERDOGAN REFUSE DE PLIER

Il a également réaffirmé son refus de procéder à un relèvement des taux d'intérêt.

"Les taux d'intérêt sont un instrument d'exploitation qui rendent les riches plus riches et les pauvres plus pauvres", a-t-il affirmé. "Personne ne devrait essayer de nous faire tomber dans ce piège. On ne se laissera pas duper par ce stratagème".

Erdogan, qui s'est lui-même qualifié "d'ennemi des taux d'intérêt", souhaite un crédit bon marché afin que les banques alimentent la croissance mais les investisseurs craignent une surchauffe de l'économie turque.

Les récentes déclarations du président turc sur ce sujet des taux d'intérêt ont renforcé la conviction de certains que la banque centrale turque n'était pas libre de sa politique monétaire.

Erdogan a appelé pour le troisième jour consécutif ses compatriotes à vendre des dollars et des euros pour soutenir la monnaie nationale.

La livre turque a plongé de près de 20% vendredi après l'annonce d'un doublement des droits de douane sur l'acier et l'aluminium turcs importés aux Etats-Unis.

Le torchon brûle entre Washington et Ankara à propos du pasteur évangéliste américain, Andrew Brunson, soupçonné de terrorisme. Il est accusé par les autorités d'Ankara d'avoir soutenu le coup d'Etat manqué de juillet 2016, attribué par les autorités turques aux réseaux soutenant le prédicateur musulman Fethullah Gülen qui vit en exil aux Etats-Unis.

La Maison blanche avait lancé un ultimatum à la Turquie en exigeant d'elle la libération d'Andrew Brunson avant mercredi dernier en fin d'après-midi sous peine de s'exposer à des sanctions américaines, a déclaré dimanche Recep Tayyip Erdogan.

Le président turc, qui a refusé de plier, disant s'en remettre à la justice, avait déjà estimé vendredi que son pays était la cible d'une "guerre économique". Il avait aussi dénoncé un "lobby des taux d'intérêt" qui serait selon lui à la manoeuvre pour affaiblir la Turquie.

"Quelle est la raison de cette tempête dans un verre d'eau ? Il n'y a aucune raison économique à cela. Il s'agit d'une opération contre la Turquie", a-t-il affirmé. (Humeyra Pamuk et Ebru Tuncay; Pierre Sérisier pour le service français)