Selon les autorités canadiennes, Meng Wanzhou, a été arrêtée à la demande des Etats-Unis lors d'une correspondance entre deux vols et comparaîtra vendredi devant un tribunal.

Justin Trudeau a refusé de donner plus de détails, si ce n'est qu'Ottawa a été mis au courant du projet quelques jours auparavant.

Meng Wanzhou, 46 ans, qui pourrait être extradée aux Etats-Unis, a été interpellée dans le cadre d'une enquête américaine sur un montage bancaire permettant d'échapper aux sanctions américaines contre l'Iran, indique-t-on jeudi de sources proches du dossier.

Son arrestation a eu lieu le jour même du dîner entre Donald Trump et Xi Jinping à Buenos Aires en marge du sommet du G20, à l'issue duquel les présidents américain et chinois ont décidé de ne pas imposer de nouveaux droits de douane et à trouver un accord sur le commerce d'ici à 90 jours.

Donald Trump n'était pas au courant de la demande américaine d'extradition avant son entretien avec Xi Jinping, a assuré jeudi un responsable de la Maison Blanche.

L'annonce de l'arrestation de Meng Wanzhou, qui est aussi la fille de Ren Zhengfei, fondateur du groupe Huawei, a pesé sur les marchés financiers. Au-delà des droits de douane, la rivalité entre les Etats-Unis et la Chine porte semble-t-il sur l'hégémonie technologique.

Washington soupçonne Huawei d'enfreindre les sanctions américaines contre l'Iran depuis 2016 au moins et plus récemment d'avoir fait appel à la banque HSBC Holdings pour effectuer des transactions illégales impliquant l'Iran, indique-t-on.

En 2012, HSBC a conclu un accord avec les autorités judiciaires américaines moyennant le paiement de 1,92 milliard de dollars pour avoir contourné les sanctions et les lois sur le blanchiment d'argent.

Huawei, qui a confirmé l'arrestation de sa dirigeante, dit "n'être au courant d'aucun agissement répréhensible" de sa part.

"EXTRÊMEMENT CHOQUANTE"

L'ambassade de Chine au Canada a demandé sa libération immédiate. A Pékin, Geng Shuang, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a dit avoir demandé, sans succès, des explications au Canada et aux Etats-Unis. Justin Trudeau a déclaré jeudi n'avoir eu aucun contact avec ses homologues internationaux sur l'affaire.

Lu Xiang, spécialiste des relations sino-américaines à l'Académie chinoise des sciences sociales, a jugé l'arrestation de Meng "extrêmement choquante".

"Si quelqu'un aux Etats-Unis espère recourir à la menace contre la sécurité personnelle d'individus afin de se donner plus de poids dans les discussions (commerciales avec la Chine), eh bien, il a certainement commis une erreur de calcul."

Jia Wenshan, qui enseigne à la Chapman University en Californie, estime que cette arrestation "comporte un gigantesque risque de faire dérailler les discussions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine".

CONNEXION HONG-KONGAISE

Cette affaire rappelle le cas d'un autre équipementier de télécommunications chinois, ZTE, qui a plaidé coupable en mars 2017 d'avoir fourni illégalement à l'Iran des technologies américaines.

Washington l'a sanctionné en interdisant en avril dernier aux sociétés américaines de lui vendre des composants. ZTE a conclu en juin un accord avec l'administration américaine pour lever cette interdiction en échange d'une amende d'un milliard de dollars (845 millions d'euros).

En janvier 2013, Reuters faisait état de liens très étroits entre Huawei et la firme Skycom Tech, basée à Hong Kong, qui avait tenté de vendre du matériel informatique Hewlett-Packard sous embargo au principal opérateur téléphonique d'Iran.

Meng Wanzhou a siégé au conseil d'administration de Skycom entre février 2008 et avril 2009, selon les dépôts au registre de la firme à Hong Kong. Plusieurs directeurs de Skycom anciens et actuels semblent avoir des liens avec Huawei.

Le sénateur américain Ben Sasse s'est félicité de cette arrestation, ajoutant: "Parfois, l'agression chinoise est explicitement parrainée par l'Etat, parfois elle est assumée par nombre de ces entités du secteur soi-disant 'privé'."

Sur les réseaux sociaux chinois, des internautes ont réagi en appelant au boycott d'Apple. "Je suis choqué. Les Etats-Unis ne peuvent pas battre Huawei sur le marché. N'agissez pas comme de méprisables voyous", a tweeté le rédacteur en chef du Global Times, tabloïd aux accents nationalistes dirigé par le Quotidien du Peuple, l'organe du Parti communiste chinois.

Les groupes américains Qualcomm et Intel figurent parmi les principaux fournisseurs de Huawei. En Asie, Samsung Electronics a perdu 2,3% et Chinasoft International a plongé de 13%.

VOIR AUSSI

ECLAIRAGE Les dessous de l'arrestation de Meng Wanzhou

(Avec Karen Freifeld et Diane Bartz à Washington, et Marc Angrand à Paris; Nicolas Delame, Jean Terzian, Jean-Stéphane Brosse, Henri-Pierre André et Danielle Rouquié pour le service français)

par Julie Gordon, Christian Shepherd et David Ljunggren