par Angus McDowall

RYAD, 17 décembre (Reuters) - La famille royale saoudienne s'efforce de revoir ses relations avec l'école wahhabite, courant sunnite saoudien ultra-conservateur, car elle considère de plus en plus que les enseignements de certains membres de ce clergé constituent une menace pour la sécurité intérieure.

La radicalisation de musulmans au sein d'un des pays les plus conservateurs au monde d'un point de vue religieux a entraîné des attaques à l'intérieur du royaume et une augmentation du nombre de citoyens saoudiens ayant rejoint des mouvements djihadistes en Irak et en Syrie.

Les pratiques religieuses extrémistes ont par ailleurs pesé sur des efforts de la famille régnante de doper l'emploi dans le premier pays exportateur de pétrole.

Au cours de la dernière décennie, la famille al Saoud a pris des mesures visant à exercer un contrôle sur les représentants religieux et leurs sermons et a commencé à soutenir la candidature de religieux plus modérés aux plus hautes fonctions cléricales.

La famille royale s'est également attaquée à des domaines dont les orientations étaient jusqu'alors définies uniquement par le clergé, tels que l'éducation et la justice, et a assuré la promotion d'éléments d'identité nationale non liés à la religion.

Mais malgré ces avancées, la famille Saoud reste proche du wahhabisme et son clergé, selon des analystes et des diplomates.

"Ils soutiennent un wahhabisme plus national, plus moderne, plus conforme à l'image du royaume à l'étranger, plus approprié d'un point de vue économique", analyse Stéphane Lacroix, auteur du livre "Les islamistes saoudiens, une insurrection manquée".

La position saoudienne sur la religion musulmane est importante et symbolique, l'Arabie saoudite étant le berceau de l'islam et ses revenus tirés du pétrole lui permettant de financer l'activité de missionnaires wahhabites à l'étranger.

DOCTRINE ULTRA-CONSERVATRICE

Le clergé wahhabite est proche de la dynastie al Saoud depuis la moitié du 18e siècle.

"La légitimité de la famille royale est principalement fondée sur l'islam. Sans cela, la Maison des Saoud est faible. Mais politiquement, la région lui donne une importante légitimité", explique pour sa part le dignitaire religieux Mohsen al Aouaji.

La doctrine traditionnelle wahhabite est ultra-conservatrice, considérant les chiites comme hérétiques, s'opposant aux interactions avec des non-musulmans, à la mixité des genres, imposant une vision stricte de la loi islamique et exhortant au retour des premières pratiques musulmanes.

La mainmise du clergé wahhabite sur l'éducation a contribué à l'émergence d'un extrémisme islamique auprès des jeunes Saoudiens, selon la famille al Saoud, ce qui a entraîné des problèmes concernant la sécurité intérieure et a produit des diplômés ne maîtrisant que trop peu des sujets tels que les mathématiques ou les langues étrangères.

Les hauts responsables du clergé - sous la pression exercée par le roi Abdallah - ont dénoncé des doctrines extrémistes telles que celles prônées par Al Qaïda ou le groupe Etat islamique mais continuent de promouvoir des idées intolérantes.

Ils ont ainsi diminué les efforts de réforme de l'économie en se prononçant contre le travail des femmes, contre des modifications de l'éducation vers un enseignement plus technique et en bloquant une réforme de la justice. (Agathe Machecourt pour le service français)