"Comment expliquez-vous le fort repli du Cac 40 d’aujourd’hui de 3,63% ?
La forte baisse du Cac 40 est la résultante de plusieurs éléments qui se sont cumulés depuis plusieurs semaines et qui ont alimenté les craintes des investisseurs : les derniers chiffres sur les commandes et la production industrielle ainsi que sur les exportations de Allemagne, l’avertissement du FMI sur la croissance de la zone euro, la dernière statistique sur l’inflation, les hésitations de la Banque centrale européenne à aller plus loin dans sa politique monétaire à court terme en particulier concernant le programme d’assouplissement quantitatif, les incertitudes concernant le comportement de la Réserve fédérale américaine eu égard au relèvement de ses taux directeurs et du devenir des actifs acquis dans son bilan, les questions qui se posent à l’ouverture de la saison de la publication des résultats pour les sociétés américaines.
Nous avons connu aujourd’hui la manifestation la plus aigüe de l’inquiétude du marché sur le marché des actions de la zone euro, sur le marché des devises avec une hausse notable de l’euro et sur le marché obligataire avec un fléchissement supplémentaire des taux et notamment les taux à dix ans américains, allemands et français (valeurs refuges)

Pourquoi aujourd’hui ?
Nous avons eu des catalyseurs. Deux mauvais chiffres ont été avancés sur les Etats-Unis cette après-midi sur les ventes au détail en septembre et l’indicateur manufacturier Empire est ressorti à 6,17 points alors que le marché tablait sur 20,25 points.
Par ailleurs le porte-parole du gouvernement allemand a laissé entendre que dans la situation actuelle, pour l’instant, il n’y avait pas d’urgence à lever les sanctions contre la Russie. Or ces sanctions ont constitué un facteur important de la dégradation de l’économie allemande. Ainsi la mise à mal de la croissance de la première puissance de la zone euro est susceptible de se poursuivre.
Cette nouvelle peut surprendre lorsque l’on sait que ce week-end Vladimir Poutine a annoncé le retrait des troupes armées russes le long de la frontière ukrainienne. Nous aurions pu penser que compte tenue de ces circonstances l’Union européenne et l’Allemagne seraient enclins à desserrer l’étau autour de la Russie.

L’ampleur de la correction vous surprend-t-elle ?

Non car le Cac 40 était au-dessus d’un niveau technique psychologiquement significatif de 4000 points. Sur ce niveau, des stops de protection se sont déclenchés, des positions short se sont mises en route accélérant ainsi le mouvement baissier initié par des acteurs devenus averses au risque en raison de la détérioration de la macroéconomie.

Est-on face à une rupture ?
Je ne suis pas de l’avis que nous sommes au début d’une baisse durable. L’accélération que nous avons connue aujourd’hui nous pousse à croire que nous serions plutôt dans un paroxysme et donc plutôt dans le cycle final (et pas au début) d’une phase de correction qui a commencé de façon larvée il y a plusieurs semaines. Le Cac 40 a perdu 14% depuis son plus haut de cette année. Il est passé de 4600 points à moins de 4000 points. Nous serions plutôt dans le creux d’une tendance descendante. Le marché a déjà pricé de nombreuses mauvaises nouvelles.
Je ne pense pas que nous connaitrons beaucoup d’autres journées comme aujourd’hui. Par ailleurs la phase de repli devrait encore durer quelques jours à semaine mais guère plus longtemps sur les marchés européens.

Il n’y a donc pas de quoi s’alarmer ?
Non. Nous avons devant nous un certain nombre de considérations rassurantes. Les taux d’emprunt des Etats membres de la zone euro sont à des plus bas niveaux que ce soient l’Allemagne, la France, l’Italie ou l’Espagne. Il n’y a pas de risque systémique lié à la dette souveraine comme en 2010-2012. Ensuite, l’euro est sur un trend baissier ce qui devrait avoir un impact positif sur les résultats des sociétés européennes et sur les indices européens par conséquent. Qui plus est, les mesures de la BCE devraient finir par avoir des répercussions favorables sur l’économie de la zone euro : la baisse des taux, les TLTRO, les achats d’ABS et des obligations sécurisées. Le marché reproche pour le moment à juste titre à la BCE de ne pas se montrer suffisamment agressive. La question du quantitative easing reste pleinement posée. Nous devrions avoir fin octobre les conclusions des audits effectués auprès des banques européennes (AQR) ce qui devrait conduire à un desserrement du robinet du crédit. Des réformes sont envisagées par plusieurs Etats membres de l’Union Européenne. Même en Allemagne, face au ralentissement des exportations, les autorités politiques montent au créneau pour agir au niveau des investissements et peut-être de la demande intérieure. Enfin, les risques géopolitiques s’atténuent quelque peu, tout du moins en Ukraine.

Quel serait le seuil plancher pour le Cac 40 ?
On peut considérer que la zone des 3800 points peut limiter le mouvement actuel. Il serait intéressant de se repositionner à moyen long terme sur le marché à partir de 4350-4400 points. Nous tablons sur de belles années 2015 et 2016 pour les indices européens, notamment le CAC 40 et le DAX. La stabilisation de l’environnement macroéconomique et financier ainsi que la recherche de rendement face à des taux de plus en plus bas aideront à cela. Nous pourrions assister à une rotation de l'obligataire souverain vers les actions dans le courant du premier semestre 2015.
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