* Standard & Poor's dégrade la note de AAA à AA+

* La note est assortie d'une perspective négative

* Le plan budgétaire adopté ne stabilisera pas la dette -S&P

* Cette décision n'est pas inattendue

* Moody's avait auparavant maintenu son triple A

(Actualisé avec la Fed, les marchés de taux, éléments de contexte, communiqué de S&P)

par Walter Brandimarte et Daniel Bases

NEW YORK, 6 août (Reuters) - Les Etats-Unis ont perdu leur précieux "triple A", pour la première fois de leur histoire.

L'agence de notation Standard & Poor's a annoncé vendredi soir la baisse d'un cran de la note souveraine des Etats-Unis, estimant que le programme d'assainissement budgétaire prévu ne stabilisera pas la dette de la première économie mondiale.

Cette dégradation de AAA à AA+ est assortie d'une perspective négative, ce qui signifie que S&P pourrait à nouveau dégrader la note des Etats-Unis dans les 12 à 18 mois.

Elle fait suite à une âpre bataille entre républicains et démocrates sur le relèvement du plafond de la dette publique, qui a amené les Etats-Unis à un cheveu du défaut de paiement. Le président Barack Obama a promulgué le 2 août la loi prévoyant de réduire le déficit de 2.100 milliards de dollars sur 10 ans, loin des 4.000 milliards d'économies attendus par S&P.

Elle intervient alors que les marchés craignent un "double dip", une rechute de l'économie américaine, ce qui a fait subir à Wall Street sa pire semaine depuis plus de deux ans. L'indice large de la Bourse de New York, le S&P 500, a perdu 10,8% lors des dix dernières séances sous le double coup de la menace d'une nouvelle récession et de l'extension de la crise de la dette en Europe.

"L'abaissement (de la note) traduit notre opinion que le plan de consolidation budgétaire que le Congrès et l'administration (Obama) ont récemment approuvé ne répond pas à ce qui, de notre point de vue, serait nécessaire pour stabiliser la dynamique à moyen terme de la dette", explique S&P dans un communiqué.

Pour l'heure, les Etats-Unis conservent leur "triple A" auprès des deux autres principales agences de notation.

Moody's l'a confirmé le 2 août, tout en assortissant sa note maximum Aaa d'une perspective négative.

Fitch a maintenu son AAA tout en plaçant la dette américaine sous revue. Selon David Riley, principal analyste de Fitch pour les Etats-Unis, l'agence n'exclut pas de placer la note américaine sous perspective négative une fois l'examen achevé.

"SURVEILLANCE INTERNATIONALE"

Les Etats-Unis étaient notés AAA par S&P depuis 1941. Une dégradation de leur note souveraine était impensable il y a encore quelques mois. Elle reflète la détérioration du climat économique mondial et pourrait avoir des implications pour le statut de monnaie de réserve du dollar américain.

Elle devrait augmenter le coût des emprunts pour l'administration et les agences publiques américaines, pour les sociétés et pour les particuliers.

La Réserve fédérale a assuré que la dégradation n'entraîneraitpas de besoins supplémentaires en capitaux pour les banques, les assurances et les autres institutions qui détiennent de la dette américaine. Un porte-parole de la Fed a aussi dit que cela n'aurait pas d'impact à son guichet pour les banques, ni sur ses achats et ventes de titres du Trésor pour mener sa politique monétaire.

Les emprunts du Trésor américain, qui étaient sans conteste jusqu'à récemment les actifs les plus sûrs au monde, sont maintenant notés en dessous des obligations émises par des pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne, la France ou le Canada.

"Le système mondial doit maintenant s'adapter aux nombreuses implications et incertitudes qu'induit la perte, autrefois impensable, du AAA américain", estime Mohamed El Erian, de la société d'investissement Pacific Investment Management.

Il s'agit d'un coup porté au prestige des Etats-Unis mais pas d'une décision inattendue. S&P avait dès octobre réclamé un accord significatif pour maîtriser sur la durée les déficits américains et avait menacé dès avril d'abaisser sa note.

"Nous nous attendons à ce que le dollar soit davantage sous pression mais nous n'imaginons pas une vente massive", a commenté Vassili Serebriakov, analyste de la banque Wells Fargo.

L'impact pourrait même être limité lundi à la réouverture des marchés de taux mondiaux. En fait, les Treasuries ont profité récemment du décrochage des Bourses mondiales et le rendement du 10 ans américain a été ramené à 2,34%, au plus bas depuis dix mois. Cela traduit le sentiment des investisseurs que la dette d'Etat américaine est toujours une valeur refuge.

En revanche, la dégradation risque d'inquiéter les créanciers étrangers, au premier rang desquels la Chine qui détient 1.000 milliards de dollars de dette américaine.

Pékin, par le biais d'un commentaire de l'agence officielle Chine nouvelle, a promptement réagi à la nouvelle et pressé les Etats-Unis de faire face au problème de leur dette, demandant que l'économie mondiale ne soit pas l'otage de la politique intérieure américaine.

"Il faut mettre en place une surveillance internationale sur la question du dollar américain et une nouvelle monnaie de réserve, stable et sûre, peut aussi être une option pour éviter qu'une catastrophe soit provoquée par un seul pays", écrit Chine nouvelle.

INCAPACITÉ À GOUVERNER ENSEMBLE

La Maison blanche n'a pas immédiatement réagi à la décision de S&P. Barack Obama a été mis au courant dans la journée des intentions de l'agence mais celle-ci a discuté avec les responsables du Trésor américain, pas avec la Maison blanche, a-t-on dit à Reuters de source proche du dossier.

Vendredi soir, le Trésor américain a affirmé que le calcul de la dette par S&P était erronné d'environ 2.000 milliars de dollars. S&P a confirmé avoir modifié ses hypothèses économiques après sa discussion avec le Trésor mais a déclaré que cela ne changeait rien à sa décision.

"Nous prenons nos responsabilités très au sérieux, et si, à la fin de notre analyse, la commission conclut qu'une note n'est pas au niveau où elle devrait être, il est de notre devoir de prendre cette décision", a déclaré à Reuters le responsable de la notation des dettes souvernaines chez S&P, David Beers.

L'analyse de S&P repose essentiellement sur l'incapacité des démocrates et des républicains à gouverner ensemble - la Chambre des représentants étant contrôlée par les républicains. L'agence de notation estime par exemple que les réductions d'impôts adoptées sous l'administration de George W. Bush ne seront pas interrompues comme prévu en 2012 en raison de l'opposition féroce des républicains.

La dégradation a immédiatement été exploitée par les candidats à la candidature républicaine à l'élection présidentielle de l'an prochain, Mitt Romney y voyant par exemple "un indicateur très troublant du déclin de notre pays sous la présidence Obama".

Le compromis trouvé entre les deux camps prévoit la création d'une commission parlementaire bipartisane pour trouver 1.500 milliards de dollars de coupes budgétaires d'ici fin novembre, dont 917 milliards ont été identifiés jusqu'ici.

* Le communiqué de Standard & Poor's

* LE POINT sur la dette des Etats-Unis [ID:nUSADETTE]

(Benjamin Massot et Clément Guillou pour le service français, édité par Dominique Rodriguez)