Paris (awp/afp) - La page de la crise de la dette semble tournée pour les pays du sud de l'Europe, dont les taux d'emprunt naviguent près de leurs plus bas niveaux historiques, même si l'Italie suscite encore des inquiétudes.

"La crise souveraine est de plus en plus derrière nous, les États du sud de l'Europe sont entrés dans une spirale vertueuse", estime auprès de l'AFP Frédéric Gabizon, responsable pour le marché obligataire chez HSBC.

Entre 2010 et 2012, l'Italie, le Portugal et l'Espagne avaient été le plus malmenés par les craintes qui pesaient sur la zone euro, sans parler de la Grèce, dont l'incapacité à rembourser certaines échéances de dette avait mis le feu aux poudres, poussant son taux d'intérêt à 10 ans jusqu'à 44% en mars 2012.

Ces temps de surchauffe des taux d'emprunts sont désormais loin et l'écart (spread) avec celui qui fait référence sur le marché, celui à 10 ans de l'Allemagne, n'a eu de cesse de se réduire aussi.

En janvier 2018, Rome, Madrid et Lisbonne ont également réalisé des opérations d'émissions de dette "qui ont marqué les esprits, avec des records de demande" de la part des investisseurs, souligne auprès de l'AFP Felix Orsini, responsable des émissions de dettes souveraines de Société Générale CIB.

Le succès d'une émission de dette à moyen terme de la Grèce l'été dernier, la première après trois ans d'absence des marchés, a d'ailleurs été emblématique de cette convalescence réussie.

Ce retour "était plus d'ordre symbolique, mais sur les marchés, la boucle était bouclée", souligne M. Gabizon.

- "PAYS PÉRIPHÉRIQUES" -

"Entre 2010 et 2012, les marchés se demandaient si la zone euro allait tenir et si les pays dont la dette était excessive allaient y rester. Il semblerait que ces craintes aient disparu", analyse auprès de l'AFP Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute.

Ce rétablissement s'est d'ailleurs traduit par des relèvements des notations des pays, le dernier en date étant celui de l'Espagne.

Alors que les investisseurs ont pris l'habitude de les qualifier de "pays périphériques", pour les distinguer des pays du "coeur" de l'Europe, qui compte notamment l'Allemagne, à la dette jugée plus sûre, l'appellation commence à sonner faux.

"Il faudrait réfléchir à changer cette terminologie ancienne", reconnaît Michele Cortese, expert pour les dettes souveraines chez Société Générale CIB.

"La situation générale a beaucoup changé: l'environnement économique s'est amélioré, l'endettement est mieux contrôlé et la zone euro a mis en place des outils très puissants, à commencer par la politique monétaire de la BCE", détaille-t-il à l'AFP.

Premiers bénéficiaires de ces évolutions, l'Espagne et le Portugal "ont aussi fait beaucoup de sacrifices" pour redresser leur économie, relève également auprès de l'AFP Daniel Stefanetti, gérant obligataire de la société de gestion luxembourgeoise Ethenea.

- ENDETTEMENT ÉLEVÉ -

Mais malgré ce formidable rétablissement, des fragilités perdurent.

"Ces pays gardent des niveaux de dette très élevés rapporté à leur PIB: l'Espagne est revenue juste au-dessous de 100%, le Portugal est à 125% et l'Italie à 133%", note Mme Mateos y Lago.

"Si pour l'Espagne et le Portugal la trajectoire de décrue de la dette semble solidement ancrée", l'Italie pose question, pour l'experte, car au-delà de la stabilité politique, les dernières élections "ont été gagnées par deux partis qui ne sont pas portés sur l'orthodoxie budgétaire".

"Le Portugal a montré qu'il était possible, dans un environnement de croissance forte, de lever un peu le pied sur l'austérité. Quelque chose de similaire peut se passer en Italie sans que ce soit forcément une catastrophe, mais c'est un exercice à risque, surtout sur des marchés nerveux", relève-t-elle.

"Mais, selon elle, pour l'instant les marchés donnent à l'Italie le bénéfice du doute".

"Dans un contexte où les investisseurs auraient pu s'inquiéter, nous ne voyons pas d'élargissement du +spread+ de l'Italie et en pratique les émissions de dette se passent très bien", observe aussi M. Orsini.

Le soutien de la Banque centrale européenne n'est pas étranger à cette sérénité, rappelle M. Stefanetti, car "personne ne s'attaquera à l'Italie tant que la Banque centrale européenne sera là".

En revanche "à partir du moment où le programme de rachats de dette de la BCE s'arrêtera complètement", fin 2018 ou début 2019, complète-t-il, "ce sera l'heure de vérité".

afp/lk