(Actualisé avec nombre d'interpellations)

par Hasmik Mkrtchyan

EREVAN, 22 avril (Reuters) - La police arménienne a interpellé dimanche trois dirigeants de l'opposition et placé en détention près de 200 manifestants, au dixième jour des rassemblements contre la nomination de l'ex-président Serge Sarkissian au poste de Premier ministre.

Les manifestants accusent Sarkissian de s'accrocher au pouvoir, par le biais de sa nomination à la tête du gouvernement ce mois-ci, après dix années à la présidence. Des dizaines de milliers d'opposants ont déjà manifesté dans Erevan ces derniers jours, paralysant la circulation dans les rues du centre et organisant des sit-in.

Des journalistes de Reuters ont vu les "bérets rouges" - les forces spéciales - saisir un député par les mains et par les pieds et l'évacuer derrière le cordon policier.

Le parquet de la République a confirmé que trois dirigeants de l'opposition avaient été interpellés pour organisation d'un rassemblement illégal.

L'opposant Nikol Pachinian et deux autres députés de l'opposition ont été "emmenés de force" hors de la manifestation, a déclaré la police, qui assure qu'ils n'ont pas pour autant été "arrêtés".

La police a fait cette déclaration peu après de brèves discussions intervenues entre Pachinian et Sarkissian, qui a accusé ses adversaires de chercher à exercer un "chantage" sur les autorités.

LES POUVOIRS AU PREMIER MINISTRE

L'un des meneurs des manifestations, Ararat Mirzoyan, a écrit sur sa page Facebook qu'il avait été "illégalement interpellé", ainsi que Pachinian et un troisième responsable de l'opposition, de même que d'autres manifestants.

Des policiers armés de matraques et de boucliers ont dégagé l'un des secteurs de la capitale où les manifestations se tenaient, mais les protestataires étaient toujours présents dans d'autres quartiers, a constaté un journaliste de Reuters.

Lors de sa brève rencontre dimanche avec Pachinkian, Sarkissian a déclaré qu'"Il ne s'agit pas de négociations, pas d'un dialogue, c'est tout juste un ultimatum, un chantage visant l'Etat, les autorités légitimes".

Ses adversaires, a-t-il dit, "n'ont pas tiré les enseignements du 1er mars", allusion à une manifestation après sa réélection en 2008, lorsque dix personnes avaient été tuées dans des échauffourées avec la police.

Nikol Pachinian a dit à Serge Sarkissian que "personne n'a osé et n'osera nous tenir un langage de menaces. Je vous le dis: vous ne comprenez pas la situation qui règne dans le pays. Elle est différente de celle que vous connaissiez il y a 15-20 jours".

"La situation a changé en Arménie, vous n'avez pas le pouvoir que vous déteniez. En Arménie, le pouvoir est passé entre les mains du peuple", lui a-t-il dit également.

Le parlement s'est prononcé par un vote mardi en faveur de la nomination de Sarkissian au poste de Premier ministre.

En vertu d'une révision de la Constitution approuvée par référendum en 2015, la majeure partie des pouvoirs exécutifs ont été transférés du président au Premier ministre, le chef de l'Etat exerçant désormais un rôle essentiellement honorifique. (Eric Faye pour le service français)