* Paris demande aux entreprises de se préparer à l'Iran

* La France adopte une ligne dure dans les négociations

* Elle signe des contrats avec Ryad, grand rival de Téhéran

par John Irish

VIENNE, 30 juin (Reuters) - La France a beau avoir demandé à ses entreprises de se préparer à investir de nouveau en Iran en prévision d'un accord sur le nucléaire, son intransigeance dans les négociations et son rapprochement avec les monarchies sunnites du Golfe risquent de prolonger sa relation de type "amour-haine" avec Téhéran.

Dans les négociations entre le G5+1 et Téhéran sur le programme nucléaire iranien, la France est réputée tenir une ligne dure dans les tractations qui doivent mettre fin à un différend de plus de dix ans entre l'Iran et l'Occident.

Une position qui a séduit les pays du Golfe qui voient d'un mauvais oeil tout rapprochement entre leur allié américain et leur rival chiite dans la région, l'Iran, dont l'influence grandissante est observée avec inquiétude, notamment par Ryad.

Tirant profit des tensions entre l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, la France s'est lancée depuis 2012 dans une opération séduction qui a porté ses fruits. Hélicoptères, Rafale, satellites : depuis un an, Paris multiplie les contrats avec le Qatar, l'Egypte, le Koweit et les Emirats arabes unis.

"Tout le monde regarde l'Iran avec gourmandise, c'est un marché important mais ce n'est pas le seul", souligne un haut responsable français. "Il y a une décision stratégique à prendre face à l'Iran qui pousse ses pions. Quelles sont les puissances qui peuvent faire face à ça? C'est l'Arabie saoudite, c'est l'Egypte, c'est le choix qu'on a fait".

La France a récemment signé des contrats pour plus de 12 milliards de dollars avec l'Arabie saoudite où François Hollande s'en rendu en mai pour participer à un sommet régional en tant qu'"invité d'honneur", une invitation sans précédent pour un chef d'Etat occidental.

"POIDS LOURD"

Ironie du calendrier, à l'heure où l'Occident met en garde contre une prolifération nucléaire dans la région en cas d'accord "faible" avec Téhéran, la France est devenue la semaine dernière le premier pays à signer un accord sur une étude de faisabilité concernant l'installation de deux réacteurs EPR en Arabie saoudite.

"Les Saoudiens sont le poids lourd de la zone et leur influence dépasse leurs frontières, nous jouons cette carte à fond", souligne un diplomate français.

A Ryad, on se félicite des choix stratégiques de la France.

"Nous avons une vision commune des défis auxquels la région est confrontée actuellement, avec la Syrie, le Yémen, l'Irak, le terrorisme et évidemment le programme nucléaire iranien, et il y a de grandes relations commerciales et militaires entre nos deux pays", a déclaré récemment à Reuters le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al Jubeir. "Nous espérons les intensifier".

La stratégie française en Iran n'est toutefois pas sans risques pour les entreprises hexagonales désireuses d'investir dans la République islamique.

Paris, autrefois leader dans le secteur automobile avec PSA et Renault, espère retrouver son rang une fois qu'un accord définitif aura été conclu dans le dossier nucléaire.

Le Medef envisage d'envoyer une délégation composée d'une centaine de chefs d'entreprises à Téhéran au mois de septembre. Le chef de la diplomatie Laurent Fabius pourrait quant à lui se rendre rapidement en Iran une fois l'accord signé.

Mais la France devra désormais composer avec la concurrence de la Chine, qui pèse aujourd'hui 10% du marché automobile iranien, et des Etats-Unis qui placent leurs pions.

Le ministre iranien des Transports a récemment estimé que la France risquait de passer à côté de quelque 80 milliards de dollars de potentiels contrats à venir dans le secteur du transport iranien si elle ne changeait pas de position dans les négociations sur le nucléaire.

"En un mot, je dirais que l'amour et la haine dominent tous les aspects de notre relation", a-t-il ajouté, déplorant le "manque de stratégie" de la France en Iran.

En France, la position du gouvernement fait grincer des dents, certains fustigeant une stratégie de court terme.

"Ce n'est pas parce qu'on est les premiers arrivés qu'on est les premiers servis", réplique un haut responsable gouvernemental français. "On sera prêts. Ne vous inquiétez pas pour les entreprises françaises." (Marine Pennetier pour le service français, édité par Yves Clarisse)