Reuters a analysé les commentaires de plus d'une cinquantaine de multinationales qui vendent leurs produits en Europe et qui ont pour la plupart fait état de résultats en hausse pour le quatrième trimestre 2014.

Parmi elles, 71% ont fait état d'une accélération ou d'un retournement à la hausse de leur croissance sur le Vieux Continent l'an dernier. Seules 16% ont fait état d'une détérioration ou ont dit attendre un déclin de leurs opérations européennes en 2015, et 13% s'attendent à une stagnation.

"Les marchés européens se sont redressés au-delà de nos attentes", a déclaré Carlos Ghosn, le directeur général de Renault, aux investisseurs ce mois-ci.

Les entreprises s'attendent à ce que cette dynamique soit entretenue tout au long de l'année par la baisse des cours du pétrole, qui favorise le pouvoir d'achat des ménages, et par le programme d'assouplissement quantitatif de la Banque centrale européenne, synonyme d'injections de liquidités sur les marchés.

Pour Benoît Peloille, stratège chez Natixis, ce contexte plus favorable n'est pas encore pleinement pris en compte par les investisseurs.

"C'est encore sous le radar des investisseurs mondiaux qui ont déserté l'Europe ces dernières années et restent sceptiques quant à la tendance des résultats, dit-il.

"Il y a une amélioration du paysage macro en Europe, et les entreprises commencent à en bénéficier."

Les pays d'Europe du Nord comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne sont généralement considérés comme les marchés les plus prometteurs, mais nombre d'entreprises ont fait état d'une nette amélioration en Europe du sud.

Christian Mulliez, le directeur financier de L'Oréal, a ainsi attribué à la reprise en Europe du Sud la forte amélioration des ventes du groupe de cosmétiques, qui a enregistré l'an dernier sa meilleure croissance depuis 2007.

Dans leurs publications de résultats du quatrième trimestre, 58% des sociétés membres de l'indice paneuropéen Stoxx 600 ont fait état d'une hausse de leurs profits, même si ces chiffres intègrent leurs opérations hors Europe.

Dans l'ensemble, les résultats du quatrième trimestre sont attendus en hausse de 19,5%, ce qui en ferait la meilleure moisson en Europe depuis trois ans et demi.

Signe de l'attrait retrouvé du Vieux Continent, les fonds spécialisés sur les actions européennes ont enregistré la semaine dernière des entrées nettes de 5,8 milliards d'euros, du jamais vu.

L'EURO AIDE AUSSI

La hausse de la demande a partout été mise en avant. Cet élément, ajouté aux réductions de coûts opérées ces dernières années, a permis à nombre d'entreprises d'accroître leurs marges, même dans un environnement déflationniste.

"Il est difficile d'augmenter nos prix catalogues mais on a vu néanmoins une formidable expansion de nos marges l'an dernier", a déclaré le mois dernier Ian Cook, le directeur général de la multinationale américaine Colgate-Palmolive.

Les sociétés européennes bénéficient en outre de la baisse de l'euro, que certains voient reculer jusqu'à la parité avec le dollar.

La faible croissance en Europe - 1,3% sur un an au quatrième trimestre, soit moitié moins qu'aux Etats-Unis -, l'inflation désormais négative et le QE de la BCE ont fait tomber la monnaie unique à son plus bas niveau depuis 11 ans face au billet vert.

ArcelorMittal a noté que le taux de change rendait le marché européen bien plus compliqué pour ses concurrents étrangers.

Caterpillar, le constructeur américain d'engins de chantier, a dit attendre des conditions plus difficiles en Europe mais son directeur général Doug Oberhelman a rappelé que le groupe avait une usine en France qui aurait tout à gagner d'un euro à parité avec le dollar.

Des industriels européens comme Daimler, ABB ou Alstom ont confirmé attendre un effet bénéfique des taux de change sur leurs exportations. Leur compétitivité accrue devrait aussi profiter à leurs fournisseurs même étrangers, comme l'américain 3M qui a pour clients de nombreux groupes industriels et pharmaceutiques européens.

"La hausse de leurs exportations sera une bonne chose pour 3M", a dit le directeur général Inge Thulin aux investisseurs en présentant les derniers résultats.

Les entreprises restent en revanche prudentes pour leurs perspectives en Russie et en Ukraine, et la santé de l'économie française en inquiète un bon nombre également.

Elles sont seulement trois, en revanche, à craindre un effet de contagion de la nouvelle crise grecque en Europe. Mais parmi ces trois, le groupe industriel américain United Technologies Corporation a ajouté que tout impact négatif de la situation grecque serait compensé par les effets bénéfiques du QE et de la baisse des cours du brut.

(avec la contribution d'Andrew Callus à Paris et de Helena Soderpalm à Stockholm, Véronique Tison pour le service français, édité par Marc Joanny)

par Tom Bergin et Blaise Robinson