"Vous aviez eu l’occasion d’afficher fin 2014 un notable enthousiasme pour les opérations d’IPO cette année. Cet enthousiasme est-il toujours d’actualité ?
Absolument. Nous sommes sur une tendance clairement positive pour plusieurs raisons. En premier lieu, le programme d’assouplissement quantitatif (quantitative easing) de la Banque centrale européenne n’est plus simplement un vœu, il est devenu une réalité. Celui-ci participe au maintien de taux historiquement bas. Cet apport abondant de liquidité, à hauteur de 60 milliards d’euros tous les mois, trouve un point d’ancrage sur les marchés..
L’environnement est par ailleurs soutenu par un retour de l’appétit pour le risque par les investisseurs, une baisse de l’euro et du cours du pétrole, un rebond des indices, une anticipation d’une progression des marges bénéficiaires des sociétés, et une volatilité maitrisée.

L’année 2015 a commencé de manière remarquablement forte…
Nous avons eu au cours des premiers mois de l’année une douzaine d’opérations dont quatre grandes capitalisations et huit PME-ETI. Nous avions rarement vu un tel volant d’activité en début d’année. Les entreprises ont pour habitude d’attendre la publication de leurs résultats, en avril, pour s’introduire en bourse. Les cotations ont donc commencé relativement tôt.

Pensez-vous qu’en termes de volume et de nombre d’opérations, 2015 pourrait s’avérer plus dynamique que 2014 ?
Il est encore difficile de l’assurer car nous ne sommes qu’au troisième mois de l’année. Cependant le pipeline des opérations est continuellement enrichi, ce qui joue en la faveur de la poursuite d’une tendance très positive.

Y a-t-il des dominantes sectorielles que l’on perçoit ?
Les secteurs sont très diversifiés. Nous relevons la présence de différents secteurs que nous n’avions pas eus depuis longtemps comme des sociétés issues d'industries traditionnelles et innovantes (agro-alimentaire, technologies nouvelles, assurance, restauration,...) au-delà des biotechs et des medtechs.

Il est à noter que neuf secteurs avaient été représentés en 2014. Nous devrions en avoir tout autant cette année.

Qu’en est-il de la répartition géographique ? Une différenciation est-elle remarquable entre les quatre places boursières d’Euronext ?
L’essentiel des opérations s’est réalisée à Paris, à l’exemple d’Elis ou Cnova. Nous avons par ailleurs eu l’une des plus importantes entrées en bourse en Europe, aux Pays-Bas, avec GrandVision, qui a levé plus d’un milliard d’euros représentant une capitalisation de plus de 5 milliards d’euros. Nous pouvons également mentionner la cotation de Lucas Bols aux Pays-Bas.

A-t-on une idée de l’importance des opérations en attente ?
Nous avons en effet une bonne visibilité sur les prochaines opérations, étant en contact permanent avec les acteurs de notre écosystème, en premier lieu desquels les fonds dont proviennent les deux tiers des opérations, mais aussi les banques conseil, les cabinets d’avocats, et bien entendu les entreprises elles-mêmes.

A combien d’opérations peut-on évaluer ce pipeline ?
Il est trop tôt pour tabler sur un chiffre précis d’opérations en fin d’année. Ce que l’on peut affirmer c’est que nous avons plus d’une demie douzaine de grandes capitalisations qui devraient arriver sur la cote au cours des prochains mois.

Quels vous semblent les risques majeurs qui pourraient venir compromettre la dynamique ?
A ce jour, plusieurs nuages se sont dissipés dans le ciel, d’où l’optimisme que nous affichons. Les risques que nous identifions sont de nature géopolitique et macroéconomique. Les dossiers grec et russe sont loin d’être encore résolus. Pour autant, la volatilité engendrée autour de la crise grecque en 2011-2012 n’est pas du tout la même que celle que nous voyons aujourd’hui. Les tensions que nous avions eues fin janvier après l’élection d’Alexis Tsipras, ont été plutôt bien absorbées par le marché.
En cela, nous pouvons admettre que le climat se veut globalement plus serein aujourd’hui.

Comment les chefs d’entreprise voient-ils la bourse aujourd’hui ?
Aujourd’hui, l’équipe dirigeante de nombreuses sociétés, voit la bourse comme une véritable source de diversification de leur financement, en particulier face à un repli de l’intermédiation bancaire, sur fond d’un durcissement des règles prudentielles. La Bourse est d’autant plus mise en avant en matière de diversification de sources de financement, que l’attractivité des valorisations atteintes est importante.

Face à des taux obligataires historiquement bas, la Bourse n’arrive-t-elle pas dans les esprits après une première étape sur le marché obligataire ?

Ce chemin est bien celui adopté par de nombreuses entreprises, comme on l’a vu récemment avec le succès des récentes opérations. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé une nouvelle offre sur le placement privé obligataire, qui représente 10 milliards d’euros de financement en France depuis trois ans. Cette offre, l’EPPB, Euronext private placement bond, permet aux sociétés cotées et non cotées, notées et non notées, quel que soit leur taille, de procéder à des levées obligataires facilitées dans un environnement diligent, sans obligations d’avoir un listing sponsor, un prospectus, ou un reporting normé.

Ces opérations sur le marché obligataire ne s’inscrivent toutefois pas en opposition aux opérations sur le marché actions, mais en complément. D’un côté il s’agit de renforcer son financement par la dette, de l’autre de consolider ses fonds propres.

N’est-on pas pour autant dans une hiérarchisation sur le plan temporel avec d’abord une démarche sur le marché obligataire puis sur le marché actions ?
Même si on ne peut pas généraliser, il est vrai que certains émetteurs sont dans cette hiérarchisation.

Prévoyez-vous des outils supplémentaires pour faciliter davantage les IPO chez vous ?
Nous avons créé au sein d’EnterNext, notre filiale dédiée aux PME et ETI, un certain nombre de dispositifs pour accompagner les dirigeants d’entreprises vers un financement par le marché en actions ou en obligations. Nous travaillons, par exemple, sur un certain nombre d’initiatives pour le secteur tech.

Par ailleurs l’AMF a lancé un groupe de réflexion sur les introductions en bourse en 2014 dont nous sommes en train de récolter les premiers fruits. Six propositions ont été formulées pour optimiser le processus des IPO : le maintien de l’obligation de réserver une partie de l’offre aux investisseurs particuliers, l’élargissement de la fourchette de prix à plus ou moins 15%, l’abandon des critères d’appréciation du prix de l’offre en lien avec les questions et les réponses de l’ESMA, la révocabilité des ordres dans l’offre à prix ouvert destinée aux particuliers, la possibilité de donner accès aux informations en amont de la publication de la documentation visée par l’AMF aux analystes des banques du syndicat (qui permet de gagner environ deux semaines sur l’opération), et l’opportunité de recourir à l’anglais dans le prospectus. C’est ainsi par exemple que la société Elis a pu tirer avantage de ces nouvelles mesures.

Quel regard portez-vous sur votre position concurrentielle ?

Nous sommes très bien positionnés sur le plan concurrentiel, et sommes déjà aujourd’hui un centre majeur de financement en Europe. En 2014, nous avons apporté 104 milliards d’euros de financement aux entreprises, 54 milliards d’euros en obligations et 50 milliards d’euros en actions. Si l’on ajoute les entités publiques et semi publiques, ce chiffre s’élève à 350 milliards d’euros.
Nous sommes la première Bourse d’Europe continentale en termes de levée de capitaux pour les introductions en bourse, avec un total de 10,8 milliards d’euros en 2014.
Nous voyons d’un bon œil le nombre important d’introductions dans le monde. Cela démontre le fait que le marché des IPO reste dynamique sur l’ensemble des grandes places à forte liquidité dont Euronext fait partie.
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