Le principe de la cavalerie ? Promettre à des investisseurs un rendement imbattable et plus qu’attrayant, en réalité financé grâce à de nouveaux investisseurs. Un système qui fonctionne… tant que l’on parvient à trouver de nouveaux investisseurs ! L’ampleur du préjudice pour les quelques 20.000 investisseurs d’Aristophil est tout de même estimée à 700 millions d’euros.


Nous ne nous prononcerons pas dans ces lignes sur la qualification en escroquerie des investissements proposés par la société Aristophil : laissons la Justice faire son travail en fonction des éléments que l’enquête en cours permettra d’établir. Nous profiterons seulement de l’occasion pour rappeler les dangers liés aux investissements atypiques, qu’il s’agisse comme en l’occurrence de manuscrits anciens, ou bien d’œuvres d’art, de vin, de chevaux de course ou de panneaux solaires. De tels investissements ne constituent en effet pas des placements financiers au regard de la loi, de telle sorte qu’ils n’offrent aucune garantie et ne font l’objet d’aucun contrôle, notamment par l’Autorité des Marchés Financiers. L’on comprend certes l’attrait des investisseurs pour de tels placements, dont les promesses de rendements sont alléchantes, d’autant plus en des périodes où les placements traditionnels, tels que le livret A, font grise mine. Mais il s’agit de ne pas se laisser abuser par de belles promesses. Il y a déjà deux ans, l’AMF appelait à la plus grande vigilance face à ces produits atypiques et énonçait les règles de base, dont nous rappellerons ici les trois principales.

Avant tout, rappelons en cette période de fêtes que le Père Noël n’existe pas : il n’existe pas de rendement élevé sans risque élevé. Un investissement vous garantissant un rendement fixe est souvent suspect, d’autant plus si ledit rendement est largement supérieur aux taux des placements traditionnels.

Il convient ensuite de toujours s’interroger sur la manière dont est valorisé le produit proposé et par qui. Et là semble être tout le problème dans l’affaire Aristophil. Le marché des manuscrits et lettres est un marché restreint, réservé à quelques initiés, sur lequel Aristophil jouerait un rôle bien particulier : en surévaluant largement les biens qu’elle acquiert, la société ferait ainsi monter artificiellement les prix, laissant croire aux investisseurs profanes que le marché des manuscrits est particulièrement porteur. Il n’en serait pourtant rien selon les autres acteurs du marché, notamment pour Frédéric Castaing, expert en autographes et documents historiques, membre depuis 2001 de la Commission consultative des trésors nationaux, pour qui ce marché serait devenu à tort hautement spéculatif. Les manuscrits anciens ont certes de la valeur mais les acquisitions à coup de millions d’euros dont la société Aristophil est coutumière ne seraient pas justifiées.

Dernière règle de vigilance à adopter : s’interroger sur les conditions de revente du produit. Un produit dont la revente et surtout le prix de revente sont garantis doit amener l’investisseur potentiel à être méfiant. Qui peut en effet se targuer de connaître l’avenir des marchés, quels qu’ils soient, et affirmer avec certitude que tel produit connaîtra une plus-value de quinze pour cent en deux ans ?

Espérons, pour les investisseurs d’Aristophil, que toute cette affaire, ne soit qu’un malentendu.