"Quel regard portez-vous sur le parcours des actions de la zone euro l’année dernière ?
Je pense que le marché s’en est plutôt bien sorti. La performance des actions de la zone euro ressort à 5%, dividendes réinvestis, est en ligne avec la croissance des bénéfices et en cohérence avec les tensions géopolitiques que nous avons connues en Europe, et les déceptions auxquelles nous avons assistées sur le plan macroéconomique.

L’année dernière s’est caractérisée par quelques surprises, trois phases de correction significative et une importante rotation sectorielle...
Les deux surprises résident dans la baisse des taux d’intérêts et le fort repli du prix du baril de pétrole. La plupart des intervenants sur le marché étaient d’avis début janvier 2014 que les taux allaient remonter sur fond d’une inflexion anticipée de la politique monétaire aux Etats-Unis. C’est totalement le contraire qui s’est produit.
Quasiment personne n’attendait une baisse du cours du baril aussi violente que celle que l’on a eue.
La première phase de correction fait suite à un retournement des anticipations de croissance au sein de la zone euro et à la dégradation de la situation en Ukraine qui ont justifié une remontée de la prime de risque en particulier de la part des investisseurs internationaux, grands acheteurs des actions européennes depuis fin 2012 et dans le courant de l’année 2013 .
Le trou d’air du mois d’octobre a été déclenché par la prise de conscience d’une mise à mal de l’économie allemande, alors moteur de la croissance de la zone euro, du fait d’un ralentissement plus prononcé qu’attendu dans certains grands pays émergents comme la Chine et des turbulences observées en Russie.
La fin d’année a été marquée par une inquiétude générale sur l’évolution de la conjoncture, les répercussions éventuelles sur les résultats des entreprises européennes en 2015.

Avez-vous été pris à revers par la tendance des taux d’intérêt ?
Nous avons été surpris par l’ampleur de la baisse des taux. Les conséquences négatives dans notre allocation d’actifs ont été limitées mais nous avons manqué l’opportunité de réaliser des performances spectaculaires sur des obligations souveraines longues de pays cœur de la zone euro. En revanche, la thématique de la convergence des pays du Sud de l’Europe a porté les performances de nos fonds obligataires et diversifiés.

Avez-vous été surpris par la violence des phases de correction ?
Nous n’avons pas été très surpris par la violence de ces passages à vide, reflets de la faible présence des investisseurs domestiques et donc de la dépendance des mouvements des investisseurs internationaux qui ne considèrent toujours pas les actions de la zone euro comme des actifs « cœur de portefeuille ».
Nous pourrions avoir de nouveaux épisodes de volatilité en 2015 mais ce n’est pas anormal pour les marchés financiers. Ce qui est rare, ce sont les pics de volatilité comme lors de la faillite de Lehman Brothers.
Plusieurs éléments devraient contribuer à alimenter cette volatilité, à savoir la probable inflexion de la politique monétaire aux Etats-Unis, la situation de la Grèce et la persistance de tensions géopolitiques notamment en Ukraine.

En dépit de cette volatilité, êtes-vous confiants sur le cheminement que pourraient prendre les actions de la zone euro cette année ?

Nous sommes plutôt confiants. Plusieurs considérations sont de nature à porter le marché : le recul du pétrole, l’amoindrissement des taux d’intérêt, le repli de l’euro. Certains estiment par exemple que 10% de baisse de l’euro représente un accroissement de 4 à 5% des résultats des entreprises et que l’atténuation du prix du baril devrait reflater l’économie de l’ordre de 0,5% de PIB supplémentaire. Cet alignement des planètes pour la zone euro devrait commencer à se voir dans les publications du premier trimestre 2015.

Le consensus table sur une hausse des bénéfices de 16%. Qu’en pensez-vous ?
Ce consensus parait crédible, ce d’autant plus que les résultats cumulés se situent 35% en dessous des niveaux du précédent haut de cycle en juillet 2009 alors que nous sommes 60% au dessus de l’autre coté de l’Atlantique. Il est néanmoins difficile de porter un jugement définitif sur le sujet car la capacité des entreprises à utiliser la baisse des taux, du prix du pétrole ou de la valeur de l’euro n’est pas identique. Parfois ces atouts seront exploités pour augmenter les marges, parfois pour gagner des parts de marché.

A quelle évolution vous attendez-vous s’agissant de la parité euro dollar ou s’agissant du prix du baril ?
Nous sommes peut-être arrivés à une forme de plateau pour la baisse de la monnaie unique contre le billet vert. Les Etats-Unis ne laisseront pas l’appréciation du dollar casser la machine économique américaine. Une stabilisation à 1,1-1,15 semble plausible. Difficile de dire avec précision jusqu’où pourrait aller le prix du baril. Il est envisageable que le fléchissement se poursuive sur fond d’un déséquilibre persévérant entre l’offre et la demande. En milieu d’année, nous devrions toutefois retrouver un point de stabilité dans la mesure où beaucoup de champs de production ont un niveau de rentabilité inférieur au cout du capital.

Doit-on s’attendre à une expansion additionnelle du multiple sur fond du programme de quantitative easing (QE) de la BCE ou d’une plus grande dynamique des opérations de fusions acquisitions et à un rehaussement du dividende moyen ?
Je ne parierai pas sur une expansion du multiple très conséquente mais elle aura lieu car le QE impactera favorablement la valorisation des marchés actions, ne serait-ce que parce qu’on actualisera les flux opérationnels avec des taux plus bas. Les opérations de fusions acquisitions devraient constituer un soutien fort cette année. Le rachat d’entreprises par d’autres entreprises à des multiples de valorisation supérieurs à ceux du marché peut créer in fine une nouvelle dynamique à la hausse du marché actions.

Quel vous parait être le principal risque qui pourrait compromettre la poursuite du rebond des actions de la zone euro ?
Le principal risque me semble résider dans la manière dont le marché va appréhender la probable inflexion de la politique monétaire conduite aux Etats-Unis.
Un autre risque tient à la vigueur de l’économie chinoise. Dans la mesure où la croissance nominale en Europe devrait rester modérée, la hausse des bénéfices des entreprises européennes est aussi dépendante de ce qui se passe en dehors des frontières de l’Europe.

En quoi consiste votre allocation d’actifs ? Quelles thématiques clés jouez-vous ?
Nous recommandons une surpondération des actions européennes dans les portefeuilles à ce stade de l’année. Le marché américain est aujourd’hui tendu. Le cycle étant plus mature et les marges se trouvant à des pics historiques, il y a une plus grande probabilité de déception vis-à-vis des résultats des entreprises américaines. En raison de la divergence des politiques monétaires de la Fed et de la BCE, la liquidité devrait être plus abondante sur le marché européen que sur le marché américain.

Les attentes sur l’amélioration de la compétitivité et l’embellie de l’économie nous poussent à jouer les valeurs cycliques et les valeurs bancaires au détriment des valeurs défensives. La thématique du rendement devrait persister de même. Les thématiques de restructuration et de croissance externe des entreprises seront probablement recherchées également.


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