"L’assurance-vie signe son 13ème mois de collecte positive au mois de janvier avec + 2,3 milliards d’euros. Sur ces douze derniers mois, il s’agit du deuxième meilleur résultat après celui du mois de juillet 2014 (+3,9 milliards d’euros). Les cotisations brutes ont atteint 11,2 milliards d’euros soit le même montant qu’en 2014. En revanche, les prestations sont en retrait à 8,9 milliards d’euros contre 9,8 milliards d’euros il y a un an et 11,7 milliards d’euros au mois de décembre. Qu’est ce que cela vous inspire comme commentaires ?
Le niveau des cotisations est tout à fait correct. Il s’inscrit dans la norme de ces derniers mois et se justifie par deux éléments en particulier : des rendements 2014 qui se sont révélés supérieurs aux attentes (de 2,5% contre 2,2% anticipé) et la désaffection pour le Livret A (dont le taux de rémunération a été abaissé à 1% en août 2014). Par ailleurs, les assurés reversent une partie des primes perçues en fin d'année.
Le recul plus prononcé des prestations qui suppose une diminution des rachats s’explique par une réduction des projets d’investissement des ménages français en particulier dans le secteur de l’immobilier. Il y a un effet de précaution induit. L’assurance vie continue à être considérée comme l’enveloppe dans laquelle il faut rester.

Pensez-vous que les deux éléments moteurs pour la collecte vont perdurer ?
Dans un contexte de taux baissier, le rendement pourrait encore s’affaiblir à 2,3%. Toutefois même à ce niveau il sera encore jugé attractif, particulièrement en l’absence d’inflation et au regard d’autres placements financiers.
Le manque de rentabilité du livret A devrait continuer à être perçu au cours de l’année.
Tant que l’immobilier ne retrouve pas la faveur des Français, et tant que l’activité économique ne se sera pas véritablement redressée, la prudence des Français vis-à-vis de leurs dépenses persistera, et la valeur refuge de l’assurance vie se maintiendra.

Que voyez-vous en termes de perspective pour le taux du livret A ?
Logiquement le taux du livret A devrait être moindre. L’Etat s’endette en négatif jusqu’à deux ans. Le taux d’intérêt de l’OAT 10 ans est à 0,6%. L’inflation est en dessous de 0. La Caisse des dépôts doit perdre de l'argent en rémunérant le Livret A à 1 %. Le gouverneur de la Banque de France a indiqué que 0,75% aurait été un taux minimal plus approprié.
Néanmoins il y a de fortes chances que le gouvernement pour des raisons politiques, singulièrement parce que deux élections locales doivent se dérouler cette année, conservera le taux à 1%. Rationalités politique et non économique ne sont pas toujours convergentes...

Quid du devenir du marché immobilier ?
Malgré des taux de crédit historiquement bas, nous ne voyons pas le marché bouger. Je pense que cela pourrait évoluer si nous avions une notable amélioration sur le front de l’emploi. Ce qui pose problème aujourd’hui c’est l’absence manifeste du marché des primo accédants, autrement dit des jeunes actifs qui n’ont plus les moyens, faute d’une sécurisation des revenus, d’acheter un bien immobilier. Nous pourrions constater un retour de cette population fin 2015-début 2016. Par ailleurs, les investisseurs en immobilier locatif pourraient également revenir avec le dispositif Pinel qui est plus attractif que le Dufflot.

Quel regard portez-vous sur le léger mieux avancé sur le front de l’emploi mardi 25 février ?
Il est indéniable que nous sommes face à un alignement des planètes plutôt favorables avec un repli du pétrole, une dépréciation de l’euro, un fléchissement des taux d’intérêt, le plan Juncker en termes d’investissement, le Pacte de stabilité, le CICE... Cet alignement devrait être propice à l’emploi, ce d’autant plus que nous avons de nombreux départs à la retraite en ce début d’année.
L’Unedic comme le Pôle emploi sont plutôt pessimistes pour la suite des évènements par vigilance car ils ont été beaucoup échaudés avec l’histoire du retournement de la courbe qui n’est pas arrivé. Même si tous les mois ne seront probablement pas positifs, la situation devrait globalement s’avérer moins dégradée qu’elle ne l’est actuellement.Le rétablissement devrait se confirmer plutôt à partir du second semestre.

Il n’est donc pas exclu qu’un cercle vertueux se forme : embellie sur le marché de l’emploi = plus de rachats sur les contrats d’assurance pour plus de consommation = embellie sur le marché de l’immobilier ?

Effectivement. Les rachats pourraient augmenter mais sans pour autant remettre en cause les collectes nettes

L’encours de l’assurance-vie dépasse 1531 milliards d’euros à la fin du mois de janvier. Il était de 1457 milliards d’euros à la fin du mois de janvier 2014 et de 870 milliards d’euros en janvier 2005. En dix ans, l’encours a progressé de 75 %...
La croissance des encours est assez exceptionnelle. Avec la fiscalité qui s’est accrue sur les comptes titres, et donc sur les livrets bancaires non défiscalisés, l’assurance vie est devenue le support d’épargne incontournable en France avec 40% du patrimoine financier des ménages. La flexibilité grandissante avec la mise à disposition de plusieurs supports et la garantie de capital accordée ont également joué un rôle majeur dans l’attractivité du produit.
Croyez-vous que la barre des 1600 milliards d’encours pourrait être franchie cette année ?
Au rythme actuel et avec la bonne tenue de la bourse, nous n’en serons pas loin, au-dessous ou au-dessus.

L’assurance vie finance actuellement en majeure partie les obligations souveraines de l’Etat dès lors que l’essentiel est investi dans les contrats en euros. Les débats prolifèrent aujourd’hui pour chercher à véhiculer davantage cette épargne vers l’économie réelle et notamment vers le financement des PME et ETI. Qu’en pensez-vous ?
Une règle prévaut en économie est que si un produit poursuit plusieurs objectifs à la fois, il n’en atteint aucun. L’objectif de l’assurance vie est d’assurer une épargne relativement sécurisée, relativement bien rémunérée. Il ne faut pas lui demander tout et son contraire. Même si c'est un des objectifs des pouvoirs publics et de la profession, l’assurance vie ne peut pas se suppléer aux banques et constituer le véhicule idoine du financement des PME et des ETI. Nous sommes sur un produit de masse relativement éloigné du terrain. Il manque des chainons pour mettre en relation les PME et les équipes de gestion. Il faut développer l'industrie du business angels, des fonds de proximité....Il faut aller au-delà des progrès réalisés ces dix dernières années.

A l’intérieur de l’enveloppe de l’assurance vie, peut-on s’attendre pour autant à un transfert plus important vers les contrats en unités de compte ?

Vraisemblablement. On observe déjà un frémissement à l’égard des contrats en unités de compte. Ils représentent 17% des encours contre 12% auparavant. La bonne tenue de la bourse, notamment sous l’impulsion du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE, devrait accentuer cet arbitrage favorable. Les épargnants comprennent de plus en plus l’intérêt de ces contrats. La notion de risque arrive à être popularisée contrairement à ce qui se passe avec le PEA et PEA PME en raison du vaste champ qui peut être proposé : immobilier avec OPCI et FCPI, actions de toutes zones géographiques pas seulement l’Europe.
Nous pourrions nous retrouver avec une proportion de 20% en fin d’année. Cela serait un résultat comparable à celui que nous avions avant l’apparition de la crise financière.

De quelle manière percevez-vous la création des contrats euro croissance ?
Le contrat euro croissance constitue pour le moment un petit compartiment qui apparait dans un contexte difficile de faibles taux. Il sera utilisé dans une optique de diversification. Son effet sur l’économie réelle à court terme sera très limité mais il s'inscrit dans une problématique de long terme et peut être un substitut au produit d'épargne retraite.

* Le cabinet Lorello Ecodata réalise des études économiques, assure des formations et conseille les dirigeants.
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