"Quel jugement portez-vous sur le protocole d’accord signé le 13 juillet entre la Grèce et ses créanciers ?
Dans l’alternative proposée par les créanciers – une sortie de la zone euro ou une poursuite des plans d’austérité – je pense que la Grèce a choisi la moins mauvaise des solutions. Ce plan permet d’éviter un effondrement complet de l’économie, avec des faillites en cascade. Le principal objectif est de maintenir les banques grecques à flot et de permettre au pays de rembourser ses prochaines échéances auprès de l’Union européenne et du FMI. Mais il est difficile d’y voir un réel soutien pour l’économie grecque. Le plan prévoit 13 milliards d’économies sous forme de prélèvements nouveaux ou de réduction des dépenses. Cela représente environ 7% du PIB. En raison de l’effet multiplicateur de la politique budgétaire un choc initial de 7% risque de se traduire par une baisse de plus de 10% du PIB, selon le FMI. Cela reste une estimation très approximative mais, en tout état de cause, je vois mal comment les choses pourraient aller mieux. Je rappelle que le PIB a chuté de 25% depuis 2009.

Alexis Tsipras affirme avoir obtenu un « programme d’investissement » de 35 milliards d’euros de la part de la Commission européenne, en plus des 82 à 86 milliards de prêts qui serviront à rembourser les créanciers. Ce programme peut-il adoucir les effets de l’austérité ?
Si ce paquet existe et qu’il est sincère, cela peut neutraliser très largement les effets de la rigueur. Mais je crains que cela ne fasse pas partie du plan qui doit être annoncé d’ici septembre. Cela ressemble plus à un dessous de table que les créanciers ne veulent pas évoquer publiquement pour ne pas compromettre l’adoption du plan par les parlements nationaux.

Pourquoi l’Allemagne refuse-t-elle d’effacer dès aujourd’hui une partie de la dette grecque ?
Pour l’Allemagne exclure un pays de la zone euro entache moins la crédibilité de la monnaie que d’accepter qu’un membre de la zone fasse défaut sur sa propre dette. C’est pourquoi Angela Merkel a posé le principe qu’aucun effacement de dette n’était possible a priori. Mais tout le monde sait que la Grèce ne pourra pas rembourser l’intégralité de sa dette. Celle-ci ne fait d’ailleurs qu’augmenter : elle est passée de 130% du PIB en 2009 à 175% aujourd’hui. Mieux vaut prendre ses pertes plutôt que de rester dans le cercle vicieux qui consiste à faire descendre toujours plus bas l’économie, accroître la montagne de dette et exposer les contribuables européens sur une dette non recouvrable. Il est probable qu’on aboutisse à un effacement déguisé, c’est-à-dire un report des échéances sur plusieurs dizaines d’années, ce qui revient à une annulation partielle de dette.

Un Grexit est-il toujours d’actualité selon vous ?
Le Grexit est encore très hautement probable. Compte tenu des effets démultiplicateurs de l’austérité évoqués précédemment, et s’il n’y a pas un contrefeu avec des mesures d’investissement, ce nouveau plan d’aide va aggraver la situation des finances publiques et creuser l’endettement du pays. Ce faisant la Grèce risque à nouveau de sortir des clous fixés par ses créanciers. Par ailleurs, le succès du plan dépendra de la capacité d’Alexis Tsipras à faire passer des mesures impopulaires, et particulièrement explosives en période de récession, comme la libéralisation du marché du travail et la réforme des retraites. Il doit également mettre fin au système oligarchique et à la corruption qui ont toujours prévalu jusqu’ici. La tâche s’annonce très difficile et s’il n’a pas davantage de soutien des Européens, on risque d’avoir un retour des partis clientélistes au pouvoir.


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