par Luke Baker

La décision de prêter à l'Irlande 85 milliards d'euros pour l'aider à restructurer son secteur bancaire et ses finances publiques ne ferait ainsi qu'apaiser momentanément les pressions sur la dette de la zone euro.

"Je pense qu'il est pratiquement impossible d'arrêter la propagation", dit Mark Grand (Southwest Securities, Floride). "Traiter l'Irlande ne résoudra rien et les porteurs d'obligations tourneront leur attention vers le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la Belgique (...) A l'exception peut-être de l'Allemagne, il me semble qu'aucune dette souveraine n'est sûre".

Le Premier ministre espagnol Jose Luis Rodriguez Zapatero avait déclaré la semaine dernière qu'il était impossible que Madrid suive la voie prise par Athènes et Dublin. Son homologue portugais a dit la même chose.

Certes la situation irlandaise diffère de celle de la Grèce et de celle du Portugal, qui elle-même diffère de celle de l'Espagne. Mais tous ces pays ont en commun certains paramètres susceptibles de susciter l'inquiétude des marchés: déficits élevés, perspectives de croissance faibles, dette importante ou encore création de structures de défaisance.

"Absolument rien ne montre que le plan d'aide à l'Irlande va apaiser cette vague d'inquiétude qui s'étend à partir de la péninsule ibérique", estime Philip Shaw, économiste en chef chez Investec.

LA CRAINTE DES MARCHÉS MOTEUR DE LA CRISE

Si le sauvetage de l'Irlande ne parvient pas à convaincre les marchés, les dirigeants de l'UE devront les persuader de leur capacité à aider le Portugal et potentiellement l'Espagne, sous peine de continuer à voir les rendements obligataires de ces deux pays poursuivre leur ascension.

La Facilité européenne de stabilité financière (EFSF) avait à disposition 750 milliards d'euros lors de sa création en mai par l'UE et le Fonds monétaire international (FMI). Après le plan irlandais, ce fonds conserve 665 milliards d'euros, les 110 milliards d'euros d'aide à la Grèce en mai ayant fait l'objet d'une opération indépendante.

Les économistes estiment que le Portugal pourrait avoir besoin d'une aide d'une centaine de milliards d'euros s'il venait à en faire la demande. L'UE pourrait mettre à disposition un tel montant mais le problème de l'Espagne est différent puisque son économie pèse le double de celles du Portugal, de l'Irlande et de la Grèce réunies.

La somme nécessaire à un éventuel renflouement de l'Espagne pourrait donc compromettre une aide ultérieure à l'Italie ou à la Belgique en cas de propagation de la crise.

En termes de fondamentaux macroéconomiques, le Portugal et l'Espagne n'ont pas besoin d'une telle aide. L'inquiétude des marchés, qui provoque la hausse des rendements obligataires et augmente les coûts de financement, demeure le moteur de la crise.

"Le problème, c'est que les marchés sont passés à autre chose", commente Alan McQuaid, économiste en chef chez Bloxham.

"Je ne pense pas qu'ils se soucient encore réellement de l'Irlande. Ils sont désormais passés aux cas du Portugal et de l'Espagne. La crise a évolué. La classe politique ne semble pas s'en apercevoir, contrairement aux marchés."

CONVAINCRE LES MARCHÉS

Près de sept mois après la crise grecque, l'Union européenne a présenté dimanche un vaste train de mesures destiné à arrêter la contagion de la crise irlandaise au reste de la zone euro et à rassurer les marchés sur les règles en vigueur après 2013.

L'Allemagne avait exigé que le mécanisme de crise sollicite les créanciers privés. Cette perspective avait provoqué de nouvelles turbulences sur les marchés la semaine dernière, aggravant la situation de l'Irlande, du Portugal et de l'Espagne.

Cette requête a été rejetée au profit d'un mécanisme plus nuancé puisque les créanciers privés seront sollicités au cas par cas, sur une base contractuelle et de manière graduelle selon s'il s'agit d'une crise de liquidité ou d'une crise de solvabilité.

Par ailleurs, en complément, toutes les émissions obligataires en zone euro seront assorties à partir de juin 2013 de clauses d'action collective permettant de restructurer des dettes avec l'approbation d'une partie des créanciers.

Une telle décision, parmi d'autres, pourrait certes contribuer à apaiser les critiques les plus virulentes, mais l'Europe doit toujours convaincre de sa capacité à maîtriser une telle situation de crise.

Catherine Monin pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat