* La crise se prolonge après l'échec d'une coalition "Jamaïque"

* Martin Schulz a été reçu par le président Steinmeier

* Le chef du SPD discute avec l'état-major de son parti (Actualisé avec entretien Schulz-Steinmeier, hypothèses évoquées)

par Michael Nienaber

BERLIN, 23 novembre (Reuters) - Les appels se multiplient en Allemagne pour la reconduction de l'alliance gouvernementale entre conservateurs et sociaux-démocrates, après l'échec des discussions en vue d'établir une coalition "Jamaïque" rassemblant la CDU-CSU, les libéraux et les Verts.

Le numéro un du Parti social-démocrate (SPD), Martin Schulz, qui a été reçu jeudi par le président Frank-Walter Steinmeier, a exclu jusqu'à présent une nouvelle "grande coalition" avec les conservateurs après les mauvais résultats de son parti aux élections législatives de septembre.

Après quatre années de pouvoir partagé avec le bloc CDU-CSU, il veut que le parti reconstitue ses forces dans l'opposition mais ce choix semble de plus en plus discuté au sein même de sa formation.

Trente élus du SPD au Bundestag, sur 153, se sont interrogés lors d'une réunion sur la décision de Schulz, a rapporté mercredi le quotidien Bild.

Dans un entretien au Passauer Neue Presse, le député social-démocrate Johannes Kahrs a demandé à Schulz de faire preuve d'ouverture d'esprit lors de sa rencontre avec Steinmeier. "On ne peut pas se contenter de dire au président: 'Désolé, c'est comme ça'", a-t-il dit.

Selon le journal Bild, le ministre sortant des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, qui a laissé la direction du SPD à Schulz quand il a pris la tête de la diplomatie allemande cette année, est également favorable à une nouvelle "grande coalition".

UNE "GRANDE COALITION" SANS MERKEL ?

Dans un entretien jeudi à la chaîne ZDF, le numéro deux du SPD, Karl Lauterbach, a jugé lui aussi que son parti devait réexaminer sa position. Mais il s'est dit sceptique sur la possibilité de former une nouvelle coalition si Angela Merkel reste à la chancellerie.

Côté conservateur également, des voix s'élèvent en faveur d'un nouvel accord avec le SPD.

Volker Kauder, chef du groupe CDU au Bundestag, la chambre basse du parlement, a appelé jeudi les sociaux-démocrates à revenir sur leur décision de se cantonner dans l'opposition.

"L'Europe attend que l'Allemagne soit en mesure d'agir pour répondre aux questions soulevées par le président français (Emmanuel) Macron. Le pays le plus fort économiquement en Europe ne peut pas apparaître comme un nain politique", a déclaré Volker Kauder au journal Südwest Presse.

Il faisait référence à l'appel d'Emmanuel Macron en faveur de réformes budgétaires en vue de renforcer la zone euro.

"En conséquence, je souhaite que les partenaires de la coalition gouvernementale sortante puissent de nouveau se rassembler", a-t-il ajouté.

Le président Steinmeier, un social-démocrate qui mène des consultations en vue de faciliter la formation d'un gouvernement et d'éviter de nouvelles élections, a longuement reçu Martin Schulz jeudi après-midi.

Martin Schulz s'est rendu ensuite au siège du SPD pour s'entretenir avec l'état-major du parti.

"Nous discuterons pour savoir si et de quelle manière on peut obtenir un gouvernement fédéral en Allemagne", a dit un cadre du SPD avant la réunion.

L'une des hypothèses évoquées, a ajouté ce dernier, est un soutien sans participation : les sociaux-démocrates s'abstiendraient de voter contre un gouvernement minoritaire dirigé par les conservateurs.

Stephan Weil, ministre-président du Land de Basse-Saxe, conforté dans sa position au sein du SPD depuis sa réélection cette année, a toutefois dit préférer une "große Koalition" à un gouvernement minoritaire, qu'il a qualifié de "construction fragile".

La chancelière Angela Merkel n'a pas caché qu'elle préférerait elle aussi une reconduite de l'alliance avec les sociaux-démocrates.

Si le SPD décide de rester dans l'opposition, la chancelière serait favorable à de nouvelles élections plutôt qu'à la formation d'un gouvernement minoritaire.

Si le SPD change d'avis, la position de Martin Schulz à la tête du parti deviendra difficilement tenable. Mais une alliance avec les conservateurs, sous une forme ou une autre, exigerait un changement de direction, qui n'aurait probablement pas lieu avant le prochain congrès du SPD, du 7 au 9 décembre. (Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)