Il ne fait pas se fier aux apparences

Deux faits notables ce matin à la Bourse de Paris, et pas forcément intuitifs au regard des annonces qui ont été faites :  

  • Kering qui publie des revenus en baisse en 2023 et qui annonce aux marchés que ses résultats 2024 ne seront pas fous : +2%
  • Soitec qui revoit en baisse ses prévisions pour l'exercice en cours et qui décale ses objectifs de moyen terme d'un an : +4,5%

Commençons par Kering. Vous vous rappelez peut-être que le monde du luxe est classé en deux catégories en ce moment : les gagnants comme LVMH et les perdants comme Burberry. Kering a longtemps été en ballotage, avant de se retrouver dans le camp des losers ces derniers trimestres. Les chiffres 2023 du propriétaire de Gucci n'ont rien de très enthousiasmant. La marque amiral s'est contractée de -4% au T4 (le marché visait -3%) et Saint-Laurent est à la peine. Bottega Veneta fait un peu mieux. Bref, c'est assez quelconque, mais le marché n'était pas vraiment dupe : Kering est en baisse de 1,6% en 2024 et de 31% sur un an. Autant dire que les attentes étaient faibles. Ce que joue le marché en évitant la punition au groupe de François-Henri Pinault, c'est le retournement sur Gucci. Luca Solca (Bernstein) note qu'une grosse part de la présentation qui a lieu ce matin est centrée sur la "vision de Kering pour l'avenir". Premier test avec la collection initiale de Sabato de Sarno chez Gucci, pour la saison printemps-été 2024.Solca pense que les investisseurs vont "se concentrer sur cette vision, afin d'essayer de déterminer s'il convient de soutenir Kering, compte tenu de sa faible valorisation par rapport à ses pairs et de sa propre histoire". En conséquence, l'annonce selon lesquelles les marges seront sacrifiées cette année au profit de la "réinvention" est perçue légèrement positivement, comme le signe de la tentative de reconquête. Dans le cas précis de Kering ce matin, c'est l'histoire qui prend le pas sur les chiffres, un schéma rendu possible par la chute antérieure du titre, qui a remis la balance des attentes à l'équilibre.

Regardons maintenant ce que les analystes ont à dire sur la société iséroise spécialisée dans les semiconducteurs. "Soitec a fait le ménage sur plusieurs fronts", explique Olivia Honychurch, qui suit le dossier chez Jefferies et qui avait déjà appelé de ses vœux une remise à plat, pour éviter que le marché ne se demande sans cesse quand les objectifs seraient révisés. "Soitec a annoncé un deuxième client SmartSiC non nommé. Nous avions précédemment indiqué qu'une réduction des prévisions pour l'exercice 2026 et un nouveau contrat SmartSiC pourraient servir de catalyseurs pour l'action ; ces deux éléments étant intervenus plus tôt que prévu, nous considérons cela comme particulièrement positif", ajoute-t-elle. Même sentiment de la part d'Andrew Gardiner chez Citi : l'avertissement précoce est finalement le bienvenu parce qu'il clarifie la situation. L'opération transparence a porté ses fruits, mais là encore parce que le marché avait déjà réduit ses ambitions : Soitec perd 15% depuis le début de l'année.

Marché sain + surcapacités = action en berne

Les transporteurs maritimes évoluent sur un marché porteur, c'est indéniable. Mais ce marché est cyclique et les phases d'investissement sont longues. C'est ce qui explique la volatilité de l'action AP Moller Maersk, qui plonge de 13% lors de la séance de jeudi, effaçant ainsi une partie des gains repris depuis le mois de novembre, lorsque les désordres en mer Rouge et à Panama avaient fait rebondir les prix du fret. Le problème, c'est que les transporteurs maritimes ont commandé beaucoup de navires lors de la reprise des échanges post-confinement covid, une époque où les prix avaient flambé parce que les capacités étaient insuffisantes pour répondre à la grande désorganisation des lignes d'approvisionnement. Or sur un marché dynamique (demande), si l'offre devient excédentaire, les prix baissent parce que les opérateurs doivent courtiser les clients. "Les surcapacités pèseront lourdement sur nos résultats dans les années à venir", a prévenu le patron du groupe danois ce matin.

AP Moller Maersk avait déjà souligné en novembre avoir commencé à constater dès l'été 2023 une surcapacité dans la plupart des régions, alors que "la mise au rebut et l'immobilisation du tonnage n'ont pas encore repris".