"Quel regard portez vous sur l’accélération de la baisse du prix du baril ces derniers jours ?
L’accélération de la baisse du baril est liée avant tout à la multiplication de données défavorables sur la croissance économique en Chine susceptibles d’avoir une influence négative prononcée sur la conjoncture mondiale.

La levée des sanctions internationales imposées sur les exportations pétrolières iraniennes constitue-t-elle un autre facteur explicatif ?

L’entrée de l’Iran sur le marché est effectivement un phénomène géopopolitiqe important. Il explique marginalement la poursuite de la baisse du cours du baril car il a été largement pricé par les opérateurs depuis plusieurs mois.

Quel poids ont eu les derniers chiffres sur les stocks très élevés de barils ? D’aucun avancent l’inquiétude des opérateurs d’une saturation qui obligerait les producteurs dépourvus de lieux de stockage à vendre à tout va leur pétrole pour s’en débarasser ?

Les statistiques révèlent des stocks de barils dans les pays de l’OCDE record. Il est concevable qu’à certains endroits, se pose la problématique d’une saturation. Aux Etats-Unis, la capacité globale de stockage s’élèverait à 80%.
Pour autant, il y a une grande difficulté à apprécier avec justesse cette capacité de stockage. Aussi, même s’il peut entrer en ligne de compte, je n’accorderais pas à ce paramètre un rôle déterminant dans la chute du cours du baril.

De quelle ampleur est le choc pétrolier que nous vivons ?

Ce choc pétrolier est important, comparable à celui que nous avons eu en 1986. Fondamentalement, les paramètres n’ont pas beaucoup changé si on les comparent au moment où le baril se situait à 40 dollars. La grande nouvelle de ce début d’année réside véritablement dans le délissement des bourses asiatisques et dans le sentiment que la décélération de la Chine pourrait provoquer de sérieux problèmes au niveau de la dynamique mondiale.

D’aucuns tablent sur une poursuite de la tendance baissière du cours du baril. Les experts de Standard Chartered sont allés jusqu’à avancer un prix de 10 dollars au deuxième trimestre. Qu’en pensez-vous ?

Il n’est pas inconcevable que le prix du baril descende encore, et touche ponctuellement les 20 dollars, ou en dessous. La question cruciale qui se pose est celle de savoir combien de temps le prix du pétrole va rester à ce niveau historiquement bas. Il nous parait impossible fondamentalement que cela dure car les producteurs seront davantage contraints à fermer leurs capacités.

D’aucuns tablent sur un retour du baril à 60 dollars d’ici la fin de l’année ?

Nous ne faisons pas à l’IFP EN de scénario en terme de perspective de prix du baril. Nous nous efforçons plutôt de visualiser des tendances. Fin 2015, nous avions l’espoir d’un rééquilibrage du marché au deuxième semestre 2016. Le regain d’inquiétude sur la croissance en Chine et le récent mouvement qui s’est dessiné sur le marché du pétrole en conséquence pourrait entrainer une remise en cause du calendrier du rééquilibrage attendu. Autrement dit, celui-ci pourrait survenir en 2017 plutôt qu’en 2016. De ce fait, le retour du baril vers 60 dollars cette année, un niveau plus économiquement viable pour les producteurs, pourrait tarder à apparaitre si les grandes incertitudes autour de la Chine demeurent, voire se renforcent.

De quelle manière appréhendez-vous les conséquences néfastes de ce fort repli du cours du baril ? Deux sources de menace sont particulièrement mises en avant : la mise à mal des pays émergents massivement producteurs de pétrole et les défauts de financement de multiples producteurs américains de pétrole de schiste ?

Notre sentiment est que le cours du pétrole ne pouvant pas rester durablement bas, ces deux menaces ne devraient pas donner lieu à des tensions incontrolables.
Nous pouvons néanmoins présager l’ébranlement de toute une série de sociétés qui gravitent autour du segment de la production pétrolière : les sociétés de services, de géophysique, de sismique, d’exploration. Les sociétés qui ont peu de marge de manœuvre financière seront celles qui auront des difficultés à résister à un prix du brut bas durablement. Le mouvement des fusions-acquisitions et des opérations de restructuration n’est sans doute pas terminé.
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