* L'Ukraine dénonce une "invasion directe" russe

* Poutine affirme ne pas avoir enfreint le droit international

* Kiev veut éviter les "provocations" et n'interviendra pas

* L'Otan s'inquiète des troupes massées le long de la frontière (Actualisé tout du long)

par Natalia Zinets et Dmitry Madorsky

KIEV/POSTE-FRONTIERE DE DONETSK-IZVARINO, 22 août (Reuters) - M algré les mises en garde occidentales et sans avoir reçu l'accord des autorités ukrainiennes, le convoi humanitaire russe est entré vendredi en Ukraine et a rejoint la région de Louhansk où se poursuivent de violents combats entre séparatistes et troupes gouvernementales.

Les autorités de Kiev ont qualifié cette initiative unilatérale d'"invasion directe" de la part de la Russie mais ont annoncé qu'elles n'auraient pas recours à la force afin de ne pas fournir à Moscou un prétexte à une intervention armée.

Les Occidentaux ont exprimé leur inquiétude face à cette initiative de nature, selon eux, à accroître les tensions et qu'ils qualifient de "violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine", a déclaré le contre-amiral John Kirby, porte-parole du Pentagone.

Les Etats-Unis ont lancé un appel à la Russie pour qu'elle procède au retrait "immédiat de ses véhicules et de ses personnels du territoire ukrainien", a ajouté Kirby. Si la Russie persistait dans cette stratégie, a-t-il poursuivi, elle s'exposerait à un isolement accru.

Vladimir Poutine s'est entretenu au téléphone avec la chancelière allemande Angela Merkel et les deux dirigeants ont discuté des initiatives envisageables pour parvenir à une trêve dans l'est de l'Ukraine.

Le président russe a expliqué à la chef du gouvernement allemand que cette décision de passer outre au refus des autorités ukrainiennes ne constituait pas une violation du droit international.

De son côté, le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a indiqué que l'Alliance avait observé un renforcement du nombre de soldats et d'avions russes à proximité de la frontière ukrainienne.

Les alliés ont également "constaté la livraison aux groupes séparatistes de l'est de l'Ukraine d'une quantité importante d'armes sophistiquées, dont des chars, des transports de troupes blindés et de l'artillerie", a poursuivi Anders Fogh Rasmussen.

L'Otan a déjà déployé des troupes supplémentaires dans les pays membres de l'organisation frontaliers de la Russie, y compris les Etats baltes et la Pologne.

EVITER LES PROVOCATIONS

L'entrée du convoi constitue une "violation du droit international", a estimé le président ukrainien Petro Porochenko, précisant qu'une centaine de camions russes avaient repris leur route sans contrôle des gardes-frontières.

Seuls 34 ou 35 véhicules auraient été correctement contrôlés. "Ni les autorités ukrainiennes, ni la Croix-Rouge ne connaissent le contenu de ces camions", a précisé le ministère ukrainien des Affaires étrangères.

Pour ne pas tomber dans des "provocations" ou être accusée "de retenir les véhicules formant ce prétendu convoi humanitaire ou d'utiliser la force contre eux", l'Ukraine va coordonner son action avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a dit un responsable des services de sécurité (SBU).

Les autorités ukrainiennes ont précisé que le convoi devait passer dans des zones de combats et que sa sécurité ne pourrait ainsi pas être garantie.

Le CICR, dont une équipe devait accompagner le convoi pour organiser la distribution de l'aide humanitaire, a annoncé qu'il avait renoncé à lui fournir une escorte.

"Le convoi d'aide humanitaire russe entre en Ukraine, mais nous ne l'escortons pas en raison d'une situation instable sur le plan de la sécurité", a déclaré le comité sur Twitter.

A Moscou, le ministère russe des Affaires étrangères a mis en garde contre toute initiative visant à perturber la progression des camions vers Louhansk. Tous les "prétextes" invoqués par le gouvernement de Kiev pour bloquer le passage du convoi ont été écartés, a ajouté le ministère.

COUVERTURE

Selon un officier de police russe ayant escorté le convoi jusqu'à la frontière, la totalité des quelque 260 camions sont entrés en Ukraine.

Il est possible que le convoi effectue le trajet inverse après avoir livré sa cargaison et traverse de nouveau la frontière dès ce vendredi, a-t-il ajouté.

Citant un porte-parole du Kremlin, l'agence Itar-Tass rapporte que les directeurs de cabinet présidentiels russe et ukrainien se sont accordés par téléphone sur la nécessité de la réalisation rapide de la mission humanitaire.

Sur le plan diplomatique, la porte-parole de la diplomatie européenne a soutenu Kiev en considérant que l'entrée du convoi russe en territoire ukrainien sans le consentement ou l'escorte d'observateurs internationaux constituait une "nette violation de la frontière ukrainienne".

"Cela va également à l'encontre des accords précédemment conclus entre la Russie, l'Ukraine et le CICR", a déclaré le porte-parole de Catherine Ashton. "Nous exhortons la Russie à faire marche arrière."

Louhansk, un des deux derniers bastions des séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine, est distante d'environ 70 km du poste-frontière de Donetsk-Izvarino par lequel ont transité les camions.

Le gouvernement ukrainien et ses alliés occidentaux redoutent que ce convoi humanitaire, parti de Moscou le 12 août, ne serve de couverture à des livraisons d'équipements militaires à destination des séparatistes.

(avec Richard Balmforth à Kiev, Thomas Grove à Donetsk; Henri-Pierre André et Agathe Machecourt pour le service français, édité par Tangi Salaün)