Les "Abenomics", terme donné aux réformes engagées depuis près de deux ans pour enrayer une déflation chronique et un endettement colossal, tardent à donner les résultats escomptés et la récession menace.

L'assouplissement monétaire massif et l'augmentation de la dépense publique n'ont pas empêché l'économie du Japon de se contracter de 7,1% en rythme annualisé d'avril à juin, soit deux fois plus qu'en 1997, quand le Premier ministre d'alors, Ryutaro Hashimoto, avait décidé d'augmenter la TVA.

Le ralentissement économique qui s'en était suivi avait poussé le chef du gouvernement vers la sortie, un précédent qui doit faire réfléchir Shinzo Abe.

Ce dernier a augmenté la TVA en avril, pour la première fois depuis 1997, la faisant passer de 5 à 8%. Les économistes s'attendent à le voir décider d'une nouvelle augmentation, à 10% cette fois, avant la fin de l'année pour tenter de réduire une dette qui représente plus du double du produit intérieur brut, un record pour un pays développé.

Les dégâts provoqués sur l'économie par la hausse d'avril plaident pour une volte-face mais elle serait cependant risquée car elle pourrait être interprétée par les marchés comme un aveu d'impuissance de la part du gouvernement.

DILEMME

"S'il ne le fait pas, cela entamera la confiance dans les finances du Japon", estime Takao Yasuda, directeur général du géant de la distribution discount Don Quijote Holdings.

"On l'interpréterait comme une preuve de la faiblesse de l'économie", ajoute-t-il. "Si vous me demandez mon avis, il serait préférable d'augmenter (la TVA) de 10% rapidement et de se débarrasser ainsi de tous les facteurs négatifs."

Les bonnes nouvelles existent pour l'économie du Japon, comme la baisse du yen, longtemps souhaitée par les décideurs pour lutter contre la déflation. Mais elle a pris une ampleur qui commence à inquiéter les milieux économiques.

En ce qui concerne la TVA, le scénario le plus généralement accepté par les économistes est que la deuxième augmentation aura bel et bien lieu. Elle pourrait s'accompagner d'une augmentation de la dépense publique pour doper la croissance et par de nouvelles mesures de stimulation de la part de la Banque du Japon.

"C'est un choix extrêmement difficile", résume Koichi Haji, économiste en chef au NLI Research Institute. "Reporter la décision de six mois pourrait être une option mais il n'y a pas de garantie que l'économie s'améliorera pendant ce délai."

"Introduire l'augmentation en dépit de la fragilité de l'économie est également risqué politiquement avec les élections municipales qui se profilent au début de l'année prochaine", ajoute-t-il. "C'est un véritable dilemme pour Abe".

(Patrick Vignal pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

par Leika Kihara