Richard Barley,

The Wall Street Journal

La livre sterling revient de loin. En à peine deux jours, la devise britannique a rebondi depuis un point bas de 31 ans et connu sa plus forte progression sur une séance depuis la crise financière.

Mardi, la livre a gagné plus de trois cents pour s'établir à 1,238 dollar. Pourtant, même si le discours de la Première ministre britannique Theresa May a enfin apporté quelques éclaircissements sur les modalités du Brexit, la devise n'est pas nécessairement sortie d'affaire.

Les priorités énoncées par Theresa May en ce qui concerne la gestion de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne indiquent clairement que les impératifs politiques passent avant l'économie. La volonté de contrôler l'immigration et l'élaboration des lois implique une sortie du marché unique et de l'Union douanière.

Risque d'une sortie désordonnée

La Première ministre a également estimé qu'il valait mieux ne pas conclure d'accord du tout avec l'UE plutôt que d'en conclure un mauvais, ce qui renforce le risque d'une sortie désordonnée de l'Union.

Alors, comment expliquer l'appréciation de la livre ?

Tout d'abord, le cours de la devise britannique intégrait déjà en grande partie les déclarations préoccupantes de Theresa May, car son discours avait largement fuité avant qu'elle ne le prononce mardi. La concession accordée par la Première ministre concernant la soumission de l'accord final avec l'UE au vote du Parlement britannique est en outre un élément positif qui a beaucoup attiré l'attention des investisseurs, même s'il ne pourrait in fine s'agir que d'un effet de manche purement politique. Enfin, le dollar affichait une baisse généralisée, et le yen aussi bien que l'euro s'appréciaient également mardi.

La capacité du Royaume-Uni à atteindre ses objectifs dépendra bien sûr des 27 autres membres de l'UE. Pourtant, l'attention se porte actuellement presque exclusivement sur la politique britannique.

Craintes pour l'économie britannique

Les investisseurs devraient également surveiller de près la performance de l'économie britannique. Jusqu'à présent, celle-ci s'est montrée bien plus robuste que beaucoup le redoutaient, bien que le Royaume-Uni bénéficie clairement d'un regain de dynamisme économique au plan mondial n'ayant pas grand-chose à voir avec le Brexit. Des données officielles parues mardi ont fait apparaître une accélération de l'inflation, les prix à la consommation ayant augmenté de 1,6% sur un an en décembre, tandis que les prix à la production ont crû de 15,8%, en conséquence de la forte dépréciation de la livre. La perspective d'une compression des revenus reste bien réelle, ce qui rend problématique la forte dépendance du Royaume-Uni à l'égard des dépenses des ménages.

Il est donc trop tôt pour affirmer que le pire est passé pour la livre.

-Richard Barley, The Wall Street Journal

(Version française Maylis Jouaret) ed: ECH