par Farah Master

SANYA, Chine, 30 mai (Reuters) - Pour relancer la consommation des ménages et le tourisme intérieur, et garder ainsi chez elle des consommateurs prêts à dévaliser les boutiques de Paris ou Milan, la Chine veut faire de l'île méridionale de Hainan, un paradis du duty-free.

Les ventes de produits de luxe ont baissé de 2% l'an dernier en Chine. Les observateurs attribuent ce recul à la campagne contre l'affichage de signes extérieur de richesse pour les personnages publics ainsi qu'au ralentissement économique.

A l'heure actuelle, les Chinois achètent près de 80% de leurs biens de luxe à l'étranger, à Paris, Londres, Tokyo ou Séoul, estime le cabinet de conseils Bain Consultancy.

Sur l'île de Hainan, les magasins détaxés, qui existent depuis 2011, offrent des produits qui peuvent être vendus jusqu'à 30% moins chers qu'ailleurs en Chine dans le cadre d'un programme visant à faire de l'île une destination touristique.

En février, les règles concernant le duty-free ont été assouplies. A l'origine, les consommateurs ne pouvaient acheter que pour 8.000 yuans (1.000 euros) de produits détaxés et ce, deux fois par an. Depuis le 1er février, ils peuvent acheter à n'importe quel pour moment pour un total annuel porté à 16.000 yuans.

Parallèlement, les boutiques ont été autorisées à vendre en ligne avec récupération des produits dans les aéroports tandis qu'un plan de création d'une vingtaine de centres de produits détaxés dans tout le pays était annoncé.

A Haikou, la capitale provinciale de Hainan, les ventes en duty-free de HNA Group ont flambé. Le groupe a fait état d'un bond de 160% de son chiffre d'affaires.

A Sanya, à la pointe sud de l'île, le 1er centre commercial de magasins duty-free a été ouvert en 2014 par le groupe public China International Travel Service (CITS). Dans ce complexe énorme, plus de 300 marques sont présentes de Burberry à celles de la Compagnie Financière Richemont (Cartier, Lancel, Montblanc, etc.).

DOUCEUR DU CLIMAT

"Que ce soit Burberry ou Richemont, de nombreuses marques ont noté que l'avenir de la demande en produits de luxe est l'affaire des Chinois et de plus en plus chez eux," estime Erwan Rambourg, analyste chez HSBC à Hong Kong.

La douceur du climat dans l'île aux 60 plages attire les promoteurs. A Sanya, ville trois fois plus grande que Singapour, un certain nombre de stations balnéaires luxueuses sont achevées ou en construction. La ville compte désormais un millier d'hôtels. Trente autres sont projetés comme l'Atlantis que le conglomérat Forsun International prévoit de construire avec l'homme d'affaires sud-africain Sol Kerzner.

Près de Haikou, HNA veut développer un port en eaux profondes, un stade international et un circuit automobile, ainsi qu'une île artificielle du genre de Palm Islands à Dubaï.

En attendant, on consomme en ce jour de semaine dans le centre commercial de CITS à Sanya. Des files d'attente s'allongent devant les magasins vendant les parfums et cosmétiques des groupes Chanel, Estée Lauder ou L'Oréal . En revanche, les boutiques des fabriquants de montres haut de gamme sont presque vides.

"Je veux seulement acheter des cosmétiques", dit une trentenaire venue de Chongqing. "Pour les sacs, je vais seulement regarder."

Huang Cheng, étudiant ingénieur de 26 ans, originaire de la province du Shanxi dans le nord de la Chine, se veut lui aussi raisonnable. "Nous ne voulons pas vraiment acheter de grosses marques", dit-il en montrant les magasins de montres vides.

Pour Aaron Fischer, analyste chez CLSA à Hong Kong, les dépenses de produits de luxe à l'intérieur de la Chine ne vont pas fondamentalement augmenter en raison du nombre limité de zones détaxées.

En outre, il y aura toujours l'attrait de l'achat du produit de luxe dans son pays d'origine, souligne-t-il. "Le sentiment de satisfaction est alors plus grand", dit-il. (Danielle Rouquié pour le service français)