* Le marché du luxe a limité sa hausse à 1% dans le Golfe en 2015

* Chute du tourisme russe et des achats des Chinois

* La baisse du pétrole commence à se faire sentir-Chalhoub

par Pascale Denis

PARIS, 19 mai (Reuters) - Le marché du luxe, à la peine depuis deux ans, a également marqué le pas dans les pays du Golfe, plombé par la chute du tourisme russe, la baisse des dépenses des acheteurs chinois et l'effondrement des cours du pétrole.

Les ventes de sacs, parfums et montres de luxe opérées à Dubaï (Emirats Arabes Unis), en Arabie saoudite, au Qatar et au Koweït pèsent pour environ 3% à 4% des ventes mondiales du secteur estimées par le cabinet Bain & Co à 253 milliards d'euros.

Elles ont totalisé environ 8,0 milliards de dollars l'an dernier (7,13 milliards d'euros), signant une hausse limitée à 1,0%, après une progression annuelle de l'ordre de 6% à 8% au cours des cinq années précédentes.

"Le marché est plus morose et l'année 2015 a été très difficile pour la région", a déclaré à la presse jeudi Anthony Chalhoub, co-PDG du groupe du même nom, partenaire et distributeur de nombreuses marques de luxe au Moyen-Orient.

A Dubaï, plaque-tournante du secteur, qui concentre près de 50% des ventes de luxe dans la région, "il y a eu un changement du profil des visiteurs", a-t-il dit.

Le Golfe a perdu ses acheteurs russes, sa première clientèle jusqu'en 2014 avant qu'elle ne soit laminée par la dépréciation du rouble.

Il a également souffert de la hausse du dollar - les monnaies locales sont liées au billet vert - qui a détourné les touristes chinois préférant aller faire leurs achats au Japon ou en Corée, où les parités de change sont plus favorables.

Les achats des touristes chinois ont ainsi plongé de 57% dans la région l'an dernier.

Le marché a enfin pâti de l'effondrement des cours du baril de pétrole, qui s'est traduit par de moindres investissements publics et une consommation plus ralentie. Une TVA à 5% est prévue pour 2018 dans tous les pays de la région.

LA FIN DE L'ABONDANCE

"C'est la fin d'une période d'abondance et le début d'une nouvelle normalité", a souligné pour sa part Patrick Chalhoub, co-PDG aux côtés de son frère Anthony, estimant que les marques devaient maintenant s'adapter à une "nouvelle donne".

Dans un marché dont la croissance devrait rester limitée aux environs de 1% à 2% en 2016, il faut savoir ajuster ses coûts sans entraver la croissance de long terme.

Il faut aussi s'adapter aux nouveaux consommateurs du luxe, très connectés, très avertis et mieux éduqués.

L'émergence d'une classe moyenne et du travail des femmes - 20% des Saoudiennes travaillent aujourd'hui et 40% devraient être actives d'ici à 2020 - sont des éléments porteurs pour le long terme.

"Les jeunes sont de plus en plus indépendants. Ils vont consommer, différemment", a précisé Patrick Chalhoub.

Là comme ailleurs, les jeunes consommateurs du luxe sont davantage tournés vers l'expérience et la consommation pour eux mêmes plutôt que pour l'apparence et les signes extérieurs de réussite.

Le groupe familial Chalhoub gère en franchise des marques comme Céline ou Marc Jacobs (groupe LVMH ), Michael Kors ou Baccarat ou opère en joint-venture avec des griffes comme Louis Vuitton (LVMH), Dior ou le chausseur Christian Louboutin.

Il ne divulgue pas son chiffre d'affaires. Mais ses ventes sont en recul de 2% sur les quatre premiers mois de l'année, par rapport à un premier trimestre 2015 exceptionnel, dopé par les mois de salaires supplémentaires accordés aux Saoudiens avec l'arrivée du nouveau roi.

Sur l'ensemble de l'année 2016, la croissance du groupe devrait atteindre environ 3%, comme en 2015, selon Patrick Chalhoub.

Les importants investissements consentis par le groupe - deux nouveaux grands magasins ont été ouverts à Abou Dhabi et à Dubaï - ont pesé sur son résultat, qui a chuté de 30% l'an dernier. (Pascale Denis, édité par Jean-Michel Bélot)