(actualisé avec homélie, ouverture de la porte sainte, précisions § 10-11-12-17)

par Philip Pullella et Joe Bavier

BANGUI, 29 novembre (Reuters) - Le pape François, sous protection inédite, a prêché dimanche en faveur de la paix et de la réconciliation en République centrafricaine, déchirée par des violences entre chrétiens et musulmans.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achevait à Bangui une visite en Afrique qui l'a également conduit au Kenya puis en Ouganda, a exprimé l'espoir que tous les Centrafricains pourraient voir l'avènement de la paix.

Jamais depuis son élection, en mars 2013, sur le trône de Saint-Pierre, un déplacement du pape n'avait donné lieu à un dispositif de sécurité aussi serré. Car ce déplacement était à haut risque. Depuis le mois de septembre, la capitale centrafricaine, Bangui, a connu un regain de tension qui a provoqué la mort d'au moins 100 personnes, selon l'organisation Human Rights Watch.

Alors que l'avion de la compagnie Alitalia dans lequel voyagent le pape et sa délégation atterrissait en provenance d'Ouganda, des hélicoptères d'attaque patrouillaient dans le ciel et des transports de troupes blindés de la force française et des casques bleus de l'Onu déployés en Centrafrique étaient stationnés devant l'aéroport de Bangui.

Des éléments des forces spéciales portant un brassard aux couleurs jaune et blanc du Vatican ont apporté leur concours aux agents habituellement chargés de la protection du pape. Et un soldat de l'Onu en arme a également pris place dans chacun des minibus affrétés pour transporter la presse accréditée auprès du Vatican.

Au début du mois, la France, dont 900 soldats environ sont toujours déployés en Centrafrique, avait prévenu le Vatican que ce déplacement présentait des risques et l'agenda du pape pour cette troisième et dernière étape de son périple africain n'avait pas été précisé à l'avance.

"NOUS SOMMES TOUS DES FRÈRES"

A sa descente d'avion, le pape a été conduit au palais présidentiel de Bangui où il s'est entretenu avec la présidente par intérim, Catherine Samba-Panza, et des diplomates et a appelé à "l'unité dans la diversité".

Il est ensuite allé aux devants de 4.000 réfugiés déplacés par les violences et regroupés dans un camp de la capitale. "Travaillez, priez, faites tout votre possible pour la paix mais souvenez-vous que la paix n'est rien sans amour, sans amitié, sans tolérance", leur a-t-il dit, avant d'appeler son auditoire à scander "Nous sommes tous des frères" en langue sango.

François a ensuite célébré la messe dans la cathédrale Notre-Dame de Bangui, là même où des miliciens islamistes armés ont fait 15 morts dans une attaque en mai 2014.

"Déposez ces instruments de mort, armez-vous de la justice", a-t-il dit lors de son homélie, appelant les fidèles à la "réconciliation, au pardon, à l'amour et à la paix".

Le pape a ensuite ouvert une "porte sainte" de la cathédrale Notre-Dame de Bangui, marquant ainsi l'ouverture symbolique de l'année sainte de la miséricorde qui démarrera officiellement le 8 décembre au Vatican.

"L'Année de la miséricorde est proclamée à l'avance à Bangui. Elle est pour cette terre qui souffre du manque de paix, et tous les autres pays qui, dans le monde, passent par l'épreuve de la guerre", a-t-il dit sur les marches de la cathédrale.

La Centrafrique, en proie aux violences depuis un coup d'Etat mené fin 2012 par les rebelles majoritairement musulmans de la Séléka puis par les affrontements interreligieux avec les milices anti-Balaka, espérait beaucoup de sa venue.

Malgré les mesures drastiques, des dizaines de milliers de personnes s'étaient alignées le long de la route que le cortège pontifical a emprunté entre l'aéroport et le palais présidentiel.

Les chrétiens représentent 80% environ de la population centrafricaine, les musulmans 15%.

Le gouvernement a mobilisé environ 500 policiers et gendarmes tandis que plus de 3.000 casques bleus de la Minusca, la mission de l'Onu, ont également été déployés tandis que les troupes françaises se tenaient en alerte.

Le voyage du pape en Centrafrique se poursuit lundi, avec notamment une visite à haut risque d'une mosquée située dans le quartier du PK5 majoritairement peuplé de musulmans et où se déroulent régulièrement des affrontements entre milices rivales. (Pierre Sérisier, Henri-Pierre André et Nicolas Delame pour le service français)