(Actualisé avec discours aux évêques)

par Philip Pullella et David Alire Garcia

MEXICO, 13 février (Reuters) - Le pape François, au premier jour de sa visite apostolique au Mexique, a lancé samedi un appel à la lutte contre la corruption et les trafics de drogue et exhorté les évêques mexicains à venir en aide aux migrants.

Les dirigeants mexicains, a souligné le souverain pontife, ont un "devoir particulier" face à la corruption et à la violence.

Le Mexique occupe la 95e place sur 168 pays dans le classement de la perception de la corruption établi par l'organisation Transparency International. Plus de 100.000 personnes ont été tuées depuis dix ans dans la guerre entre narcotrafiquants et entre les cartels de la drogue et les forces de l'ordre. Vingt-six mille autres personnes sont portées disparues.

"L'expérience nous apprend que, chaque fois que nous cherchons la voie des privilèges ou des bénéfices pour quelques-uns au détriment du bien pour tous, la société devient tôt ou tard le terreau de la corruption, du trafic de drogue, de l'exclusion des cultures différentes, de la violence et aussi du trafic d'être humains, des enlèvements et de la mort", a-t-il déclaré.

Le pape s'exprimait au Palacio Nacional, le siège du gouvernement, devant le président Enrique Peña Nieto, les membres de son gouvernement et du corps diplomatique.

Un peu plus tard dans la journée, dans la cathédrale voisine, il a exhorté les évêques mexicains à prendre une part plus active dans la lutte contre le commerce de la drogue qui, a-t-il dit, agit "comme une métastase".

Aux évêques, le chef de l'Eglise catholique a dit qu'ils devaient clairement signifier aux trafiquants de drogue qu'ils ne pouvaient se considérer comme de bons catholiques avec "leurs mains couvertes de sang, leur poches pleines d'argent sale et leur conscience insensible".

S'exprimant en espagnol, sa langue natale, le pape argentin a aussi indiqué que l'Eglise devait en faire plus pour les migrants, "mettre du baume sur leurs pieds blessés" via des programmes sociaux ou caritatifs.

Les évêques du Mexique doivent aussi renforcer leurs liens avec l'épiscopat des Etats-Unis, le pays de destination des migrants venus du Mexique ou de pays latino-américains, a poursuivi François, qui a fait de la question migratoire l'un des thèmes centraux de son pontificat.

Il devait célébrer plus tard dans la journée une messe dans la basilique Notre-Dame de Guadalupe, sainte patronne du pays, devant plusieurs centaines de milliers de personnes. "N'ayez pas peur! Voilà ce qu'elle me dit", a dit le souverain pontife avant le début de sa visite de cinq jours.

UNE MESSE À LA FRONTIÈRE AVEC LES ETATS-UNIS

Le pape était arrivé à Mexico vendredi soir en provenance de Cuba, pour sa première visite au Mexique en tant que chef de l'Eglise catholique. Il a été accueilli par une foule en liesse, un orchestre de mariachis et par le chef de l'Etat.

De la frontière américaine jusqu'au Sud indien, il va visiter certaines des régions les plus déshéritées et les plus violentes du pays. La pauvreté, la criminalité et leur corollaire, l'émigration de nombreux Mexicains vers les Etats-Unis, sont les thèmes centraux de son voyage apostolique.

François célébrera aussi une messe avec les communautés indigènes lundi dans l'Etat du Chiapas, le plus pauvre du Mexique. Il s'adressera à la jeunesse mardi à Morelia, capitale de l'Etat du Michoacan, frappé lui aussi par la violence, et rendra visite mercredi à des prisonniers à Ciudad Juarez, sur la frontière avec les Etats-Unis.

Le père Federico Lombardi, porte-parole du Vatican, a déclaré que François tenait à se rendre dans des régions du Mexique où aucun souverain pontife ne s'est rendu avant lui et que la messe prévue à Ciudad Juarez, en face de la ville texane d'El Paso, soulignait combien il était soucieux du sort des migrants.

"Cette messe sera célébrée juste à la frontière afin qu'on puisse la suivre des deux côtés", a dit le père Lombardi. "C'est une clôture, ce n'est pas la Grande Muraille de Chine."

Les Mexicains restent très attachés au souvenir du défunt pape Jean Paul II, qui avait effectué de nombreuses visites au Mexique durant son pontificat, et François a, jusqu'à présent, du mal à le supplanter dans leur coeur.

Selon un sondage réalisé par le journal Reforma en janvier, plus de la moitié des Mexicains disaient s'identifier surtout avec Jean Paul II, contre 14% pour l'actuel pape argentin. Le Mexique compte plus de 93 millions de catholiques, sur une population totale de l'ordre de 122 millions.

Avant son arrivée à Mexico, le pape a fait halte quelques heures à Cuba, où il a eu une rencontre historique avec le chef de l'Eglise orthodoxe russe, le patriarche Cyrille. Les deux hommes ont appelé la communauté internationale à agir pour mettre fin à la persécution des chrétiens du Proche-Orient. (avec Christine Murray, Anahi Rama et Lizbeth Diaz; Guy Kerivel, Eric Faye, Jean-Philippe Lefief et Henri-Pierre André pour le service français)