Les chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Huit ont, comme prévu, donné leur feu vert au plan élaboré pour financer quelque 315 milliards d'euros d'investissements entre 2015 et 2017, essentiellement privés, grâce à une garantie de départ de 21 milliards d'euros.

Ce plan est le troisième pilier, avec le sérieux budgétaire et les réformes structurelles, de la politique de la Commission dirigée par Jean-Claude Juncker, qui se veut davantage portée sur le soutien à la croissance que l'équipe précédente, comme le président du Conseil, Donald Tusk, s'en est fait l'écho.

"Nous sommes convenus de trois choses : un, nous appelons à la mise en place urgente d'un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS); deux, un engagement renouvelé à intensifier les réformes structurelles; trois, des efforts soutenus pour assurer des finances publiques saines", a dit le dirigeant polonais dans une déclaration vidéo.

"Les trois combinés forment notre stratégie pour accélérer le redressement", a ajouté Donald Tusk, qui présidait son premier sommet.

Le Conseil a demandé à la Commission européenne de soumettre une version définitive du plan en janvier, pour une validation parlementaire d'ici juin.

Et ce, "afin que les nouveaux investissements puissent être mis en oeuvre dès la mi-2015", dit le texte. "Le FEIS sera ouvert aux contributions des Etats membres, directement ou par l'intermédiaire de banques de soutien nationales."

Si le "plan Juncker" a fait consensus, la question de la participation des Etats au FEIS, appelée de ses voeux par le président de la Commission, divise encore, même si l'exécutif européen assure que les contributions seront exclues du calcul des déficits au regard des règles européennes, ce dont le Conseil a dit avoir "pris note".

PEU D'AVANCÉES SUR LA RUSSIE

Certains, à l'image de l'Allemagne, semblent juger le plan suffisant, quand bien même la liste des projets soumis par les Etats membres atteint déjà 1.300 milliards d'euros.

D'autres auraient déjà dit vouloir abonder le fonds, comme l'Espagne, la Slovaquie ou la Finlande, mais aucun engagement n'a été confirmé jeudi, le sommet n'étant "pas une conférence des donateurs", soulignait-on de source diplomatique.

D'autres enfin, comme la France, attendraient de voir si le dispositif fonctionne pour peut-être s'engager et privilégient la voie du cofinancement de projets locaux ou bilatéraux, ce qu'entend faire Paris avec l'appui de la Caisse des dépôts.

Et, aux sceptiques considérant que ce plan repose sur une mécanique bien plus que sur des fonds réels, François Hollande a rétorqué qu'ils pourraient être surpris.

"Ce plan Juncker peut avoir un effet beaucoup plus grand qu'on imagine. 315 milliards, c'est une base qui peut aboutir à beaucoup plus", a dit le chef de l'Etat français qui compte sur la "confiance" rétablie et sur un "effet boule de neige".

Surtout, il s'est félicité que la Banque européenne d'investissement commence à pré-financer les projets dès le début 2015 afin que les premiers démarrent au plus vite.

François Hollande a eu des entretiens sur ces dossiers avec le président du Conseil italien, Matteo Renzi, autre chef de file des sociaux-démocrates, et avec les chefs des gouvernements espagnol et portugais et la chancelière allemande Angela Merkel.

Paris et Berlin porteront conjointement les prochains mois des projets dans la transition énergétique et le numérique, deux domaines qui figurent parmi les priorités de la Commission au même titre que les infrastructures, l'éducation et la formation.

Le Conseil européen a en outre appelé le Parlement à travailler pour offrir à l'UE un cadre législatif plus favorable à l'investissement et a demandé à la Commission de présenter ses projets de marché unique de l'énergie et de marché unique numérique au premier semestre.

Enfin, les dirigeants ont donné mandats aux présidents de la Commission, du Conseil, de l'Eurogroupe et de la Banque centrale européenne pour oeuvrer en faveur d'une meilleure intégration de la zone euro. Un point sera fait en février et un rapport rendu en juin pour identifier les convergences futures.

Le dîner qui concluait ce sommet, puisque Donald Tusk avait prévenu sur son compte Twitter qu'il n'y aurait pas de réunion vendredi comme prévu initialement, était, lui, consacré à la crise russo-ukrainienne, encore aggravée par les difficultés de la Russie sur fond d'effondrement du rouble.

Le débat s'annonçait plus vif entre des pays qui disent souhaiter une désescalade rapide du conflit entre l'Ukraine et la Russie, et ceux qui attendent de Moscou un "changement radical d'attitude", termes employés par la Haute représentante de l'UE pour la politique étrangère, Federica Mogherini.

Au final, aucune décision n'a été prise - ni allègement ni renforcement - sur les sanctions en cours, qui expirent le 30 juin et dont la modification nécessite l'unanimité.

François Hollande a relevé que s'il y avait encore beaucoup de progrès à faire, le dialogue avait repris.

"Dans les prochains jours, nous allons continuer à parler avec le président (russe Vladimir) Poutine, le président (ukrainien Petro) Porochenko, Angela Merkel et moi-même", a-t-il dit, évoquant une réunion du "groupe de contact" dimanche ou lundi.

"Nous voulons avancer vite", a-t-il insisté, espérant des évolutions positives en début d'année prochaine.

Quant à l'aide à apporter à l'Ukraine, qui aurait besoin de 15 milliards de dollars selon Jean-Claude Juncker, le sommet n'a pas non plus réglé cette question. L'UE devrait laisser l'initiative au Fonds monétaire international.

(Edité par Yves Clarisse et Bertrand Boucey)

par Gregory Blachier