"Quel regard portez-vous sur l’accélération de la tendance baissière du cours de l’or. Celui-ci a atteint un point bas de cinq ans. Etes-vous surpris ? Pensez-vous que l’or s’inscrit clairement dans des eaux très dangereuses ?
Nous avons été surpris par les ventes massives survenus très tôt le lundi 20 juillet sur le marché de Shanghai. Personne ne pouvait prévoir un tel niveau de débouclements de positions. Cependant nous ne sommes pas surpris de voir le cours de l’or se négocier au niveau actuel.
Nous escomptions un déclin de l’or depuis trois ans pour un certain nombre de raisons. En premier lieu, un moindre intérêt des investisseurs pour détenir de l’or. Les facteurs qui ont poussé le cours de l’or à 1900 dollars en 2011 ont disparu ou vont disparaitre dans les mois à venir. Un de ces principaux facteurs est lié au fait que la Fed est sur le point d’entamer une hausse de ses taux directeurs. Nous sommes d’avis que le changement opéré au niveau de la politique monétaire américaine sera un paramètre moteur pour le marché de l’or.

Est-ce à dire que vous vous attendez à ce que cette tendance négative sur le marché de l’or se poursuive ?

Oui, absolument.

Quel est aujourd’hui votre scénario central s’agissant du comportement à venir de la Fed ?

Nos économistes tablent sur un début de hausse des taux par la Fed un peu plus tard dans l’année. Le plus probable serait une intervention en septembre. Si aucune décision n’est prise le mois prochain, une action pourrait être observée en décembre.
Nous prévoyons une poursuite de ce processus de hausse des taux en 2016. La Fed pourrait relever ses taux tous les trimestres de l’année prochaine. Au total, la remontée des taux pourrait représenter 1% pour l’ensemble de l’année prochaine dans la mesure où l’économie américaine est de plus en plus solide, et est en capacité de créer plus d’emplois. En conséquence le taux de chômage devrait descendre davantage. Nous pouvons déjà percevoir des signes d’un début de reprise de l’inflation.

Qu’en est-il de la Chine et de l’Inde dans l’explication de la baisse du cours de l’or ?

L’anticipation selon laquelle la Fed va remonter ses taux est intégrée dans le marché depuis plusieurs mois. La Chine et la Grèce sont deux facteurs qui expliquent le mouvement de l’or, ces dernières semaines.

La résolution du problème de la dette de la Grèce et l’ouverture des négociations en vue de parvenir à un troisième plan d’aide ont atténué les quelques craintes sur le marché de voir le pays sortir de la zone euro. Pour autant, il y avait un large consensus qu’un accord finirait par être trouvé. Si bien que le prix de l’or n’a pas monté même après l’annonce du vote négatif du peuple grec au référendum lancé par le gouvernement d’Alexis Tsipras. Ainsi les inquiétudes autour d’une sortie de la Grèce de l’union monétaire n’ont pas été suffisantes pour porter le cours de l’or.

L’information divulguée par la Banque centrale de Chine à propos du niveau de ses réserves d’or a été analysée par certains observateurs comme un autre point défavorable au cours de l’or. Le marché pensait que la Banque centrale de Chine avait acheté bien plus d’or que le montant avancé. La Chine est habituellement une grande acheteuse d’or physique aussi bien sur le segment de la joaillerie, de l’investissement, ou pour adosser sa devise.

Environ 2,7 milliards de dollars ont été retiré des ETF investis dans l’or au début du mois de juillet, un plus haut montant depuis mars. Par ailleurs, les gérants monétaires détiennent en net une position vendeuse sur l’or pour la première fois depuis que les données ont commencé à être publiées par le gouvernement américain en 2006. Quels commentaires cela vous inspire ?

Tout est une question de timing. Les ventes massives intervenues dans les ETF investis dans l’or ne constitue pas une tendance récente. Depuis que le prix de l’or a atteint son pic en 2011, nous avons pu remarquer des flux sortants de ces ETF. L’or est un actif qui ne procure pas de rendement. Les investisseurs ont préféré s’orienter sur les marchés actions et les marchés obligations afin d’obtenir de meilleurs rendements.
A présent, on ne peut pas nier une accélération des rachats de parts dans les ETF ces dernières semaines, particulièrement au début du mois de juillet.

Par ailleurs, sur le marché des contrats à terme, comme le Comex, pendant plusieurs mois nous avions une large position nette acheteuse. Les investisseurs achetaient des futures espérant que le prix de l’or remonterait du fait des problèmes liés à la Grèce et dans l’optique d’une demande émanant d’Inde et de Chine. Les anticipations ne se sont pas concrétisées. Ainsi nous avons assisté à d’importants débouclements de positions acheteuse aussi bien sur la plateforme du Comex que celle de Shanghai à des heures où la liquidité sur le marché n’est la plus abondante.

Vous aviez pronostiqué que le cours de l’or pourrait atteindre 1000 dollars d’ici décembre, ce qui signifie une dépréciation supplémentaire de 10% de la matière première par rapport à sa valeur actuelle. Confirmez-vous ce pronostic ?

Nous pensons que le prix de l’or devrait descendre au moins à 1000 dollars, voire en dessous de ce seuil d’ici la fin de l’année 2015. Le prix de l’or pourrait continuer à fléchir en 2016 et 2017. Ainsi, il pourrait atteindre 900 dollars l’once en 2016 et 800 dollars l’once en 2017 car nous admettons que nous aurons d’autres hausses de taux de la part de la Fed et de ce fait une appréciation additionnelle de la valeur du dollar. Ces deux éléments devraient maintenir la pression baissière sur le prix de l’or.

Notre vision est similaire à celle d’autres participants sur le marché comme Goldman Sachs.

Quelle probabilité de réalisation donneriez-vous à votre prévision ?

Il est très difficile de répondre à cette question. Je dirais que la probabilité est d’environ 70%.

Selon vous, qu’est ce que cette tendance devrait impliquer pour les valeurs minières ? L’action d’une société comme AngloGold Ashanti a chuté à un niveau record sur la bourse de Johannesburg tandis que celle de la compagnie canadienne Barrick Gold, le plus important producteur d’or dans le monde, a touché son plus bas niveau depuis 1990. Pourrions-nous voir d’autres déclins similaires ?

Etant donné notre vision défavorable sur l’or, nous estimons qu’il y aura un impact négatif sur les sociétés aurifères, surtout celles qui ont un cout de production élevé. En cela, nous devons nous préparer à voir d’autres fortes baisses d’actions dans le cas où notre scénario s’avère exact. Les revenus et les marges bénéficiaires de ces sociétés devraient considérablement diminuer.
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