"La crise que nous traversons aujourd'hui aura sérieusement terni l'aura des experts financiers : macro-économistes, économétriciens, quantitativistes, mais aussi celle des grands banquiers, privés ou publics, censés pourtant comprendre et connaître le dessous des cartes (...) La perte de crédibilité des "experts" financiers qu'ils soient dirigeants de banque, banquiers centraux ou universitaires plus ou moins renommés, aggrave le climat d'incertitude dans lequel l'investisseur prend ses décisions", note Pastel & Associés dans sa lettre annuelle.

"Cette situation rend d'autant plus difficile une démarche d'investissement reposant sur des modélisations et des prévisions macroéconomiques. Dans un tel contexte, sans doute est-il plus prudent de fonder ses décisions sur des analyses micro-économiques indépendantes, effectuées entreprise par entreprise", estime le gestionnaire.

"La liquidité érigée en valeur cardinale de l'investissement direct, ou indirect via des fonds, en valeurs mobilières a révélé, ces dernières années, ses limites. Pourtant, les régulateurs et les normalisateurs comptables continuent à accorder un traitement préférentiel aux instruments financiers qu'il est le plus facile de céder et de valoriser à tout instant."

"L'investisseur final est censé, ainsi, être mieux protégé, du fait de la possibilité qui lui est offerte de connaître à tout instant le prix de l'actif qu'il détient et de décider, en fonction des informations à sa disposition, de le conserver ou non. A ces avantages correspondent, malheureusement, plusieurs inconvénients majeurs."

"Citons, d'abord, la déresponsabilisation croissante des investisseurs, conséquence directe de la possibilité de changer d'avis à tout instant : en effet pourquoi s'engager à accompagner une entreprise dans son développement quand on peut si facilement l'abandonner, à la première déconvenue ? Plus grave encore, pourquoi analyser en profondeur un dossier si on peut facilement revenir sur la décision prise et recommencer à zéro ?"

"Les dirigeants d'entreprise en arrivent à ne plus connaître leurs actionnaires et pire encore à ne plus les respecter. La durée de détention moyenne d'une action nord-américaine serait aujourd'hui, d'après certaines estimations, de moins de six mois. Le développement, ces dernières années, de l'actionnariat activiste n'a pas arrangé les choses."

"En effet que penser d'investisseurs qui, à peine arrivés au capital d'une société, donnent des leçons à des équipes expérimentées et souvent très compétentes et responsables ? Le choix fait par de nombreuses directions d'entreprises de céder aux sirènes des fonds d'investissement est sans doute, en partie, le résultat de cette dérive. Bien que l'appât du gain, au travers des plans d'intéressement proposés par les fonds de private equity, en soit, probablement, la raison principale."

"Il faudrait pour échapper à l'impasse actuelle adopter une approche multi-dimensionnelle : inciter par des dispositions fiscales à la détention d'actions ou d'OPCVM actions pendant des durées de plusieurs années ; dissuader toujours par la fiscalité la cession trop rapide des investissements réalisés ; par une modification du droit des sociétés, n'attribuer le doit de vote qu'à des actionnaires présents au capital depuis suffisamment longtemps."

"L'investisseur (est) encore confronté en 2010 à une forte instabilité des cours de Bourse. Comme les années précédentes, en 2010, les marchés financiers ont connu des niveaux élevés de volatilité. Les mêmes causes résultant en les mêmes effets, cette situation pourrait, d'après nous, persister encore longtemps. On peut citer parmi les principaux facteurs de ce phénomène : l'accès de plus en plus rapide et démocratique à l'information, du fait d'évolutions technologiques irréversibles."

"L'information ainsi diffusée est par sa nature quasi instantanée, de plus en plus morcelée, d'où la lecture de moins en moins synthétique qui en est faite par les opérateurs boursiers. Constamment soumis à un flux de signaux souvent contradictoires, l'opérateur, qu'il soit investisseur ou spéculateur, se contente de réagir au lieu de prendre le temps de digérer et surtout d'assimiler en les agrégeant ces fragments d'information. L'instabilité psychologique du décideur, résultat direct de cette surexposition médiatique, est aujourd'hui aggravée par un deuxième biais, le recours structurel à l'endettement comme technique désormais banalisée d'investissement."

"Les niveaux de taux d'intérêt réel excessivement bas, entretenus par les banques centrales, au premier chef le Federal Reserve Board, facilitent les opérations dites de carry par lesquels un opérateur obtient des fonds très bon marché sur les marchés monétaires et les réinvestit dans des actifs risqués. Ces opérations sont aujourd'hui la norme pour un certain nombre de structures de gestion de type hedge funds."

"Le recours à l'endettement augmente la sensibilité aux conséquences potentiellement négatives de la moindre nouvelle et par ricochet conduit à une hyper-réactivité de l'opérateur financier, et par combinaison de comportements très souvent grégaires, à une amplification à la hausse et à la baisse des mouvements de cours. Face à ce constat, l'investisseur en actions doit adopter des stratégies qui lui permettront de fonctionner dans ce climat de volatilité aggravée, et pourquoi pas d'en profiter."

"Quelques recommandations de bon sens : bannir le levier financier comme moyen d'acquérir des actions, considérer que l'investissement en actions pourra être indisponible pendant cinq ans au moins et n'investir par conséquent qu'un pourcentage de son bilan ou de son patrimoine qui soit compatible avec cette hypothèse, considérer que la perte comptable potentielle sur l'investissement en actions peut atteindre 50% et ajuster le pourcentage investi dans cette classe d'actifs en conséquence."

"Il aura fallu peu de temps pour que succèdent à la bulle hypothécaire américaine, de nouveaux emballements de marché, précurseurs probables des bulles de demain. On citera en ordre dispersé et non exhaustif : les pays émergents. La nouvelle doxa est catégorique : hors des marchés émergents, point de salut. Les allocateurs d'actifs et autres stratégistes en tout genre le répètent quasi-unanimement : c'est dans les BRICS que se construiront les fortunes boursières de demain."

"Les justifications de cet engouement n'ont que l'apparence de la raison. Comme à chaque fois (cf bulle Internet en 2000, ou les chemins de fer aux USA en 1900), on confond potentiel de croissance et retour sur investissement. Comme à chaque fois, on néglige d'intégrer dans l'équation économique, les besoins d'investissements, colossaux, et avec eux les risques de gabegie et de mauvaise allocation des capitaux. On omet le risque socio-politique et on tire des conclusions hâtives."

"Si l'émergence de la classe moyenne, notamment en Chine et en Inde, va permettre le développement de nouveaux pôles de consommation et donc de nouveaux marchés, qui en profitera ? Le consommateur, le banquier d'affaires, ou l'investisseur ? Et à quelles conditions ? Et surtout quand ?"

"Par ailleurs, la profitabilité actuelle du secteur privé et semi-privé des pays émergents semble reposer sur des facteurs en cours de détérioration, notamment : des coûts du travail très bas, mais depuis un an en très forte hausse, et des devises sous valorisées, mais là encore engagées depuis plusieurs mois dans un processus de réévaluation induit entre autres par la crise de la dette souveraine européenne et la politique de quantitative easing du Federal Reserve Board. Dans ces conditions, et eu égard à leur niveau de valorisation boursière ajustée du risque, est-il finalement plus raisonnable d'investir dans les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) que dans les pays développés ?"

"Comment détecter l'émergence d'une bulle ? Quelques indices peuvent inciter à la méfiance : l'impossibilité, en utilisant ses outils traditionnels de valorisation, de justifier des niveaux de cours pratiqués, la nécessité, pour pouvoir justifier de payer les prix de marché, de supposer la poursuite à un taux élevé de croissance et de rentabilité d'un état de prospérité déjà exceptionnel, le discours ambiant selon lequel cette fois-ci, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, sociale, politique ou économique, et enfin, un besoin impérieux de participer au mouvement en cours, de peur de rater le train et convaincu qu'au pire, il sera toujours possible de céder son investissement à d'autres, avant qu'il ne soit trop tard."