"Vous avez remporté le titre de meilleur trader de France pour l'année 2015. En quoi a consisté la compétition ?
La compétition a réunit 16 traders, 15 traders européens et 1 trader américain. Celle-ci a duré une journée et s’est décomposée en différents rounds. A chaque étape, il faut faire la meilleure performance pour être qualifiée. Chaque trader est intervenu sur ses propres marchés. La seule contrainte imposée était que le marché soit centralisé et régulé.
Quasiment tous les traders sont intervenus sur des futurs. Personnellement je traite essentiellement les indices européens, l’Eurostoxx 50 et le Dax ; la parité euro-dollar ; le taux à dix ans allemand ; le pétrole et l’or.

Etait-ce votre première participation ?
C’était ma seconde participation.

Quel était le degré de complexité de la compétition de cette année ?
Cette année la compétition était particulièrement élevée. Chaque trader devait avoir un compte en réel de 50 000 euros. Chaque round durait une heure. Sur certains rounds, il fallait au moins générer 500 euros pour pouvoir passer à l’étape suivante. A certains rounds, les écarts entre les traders étaient très faibles.

Vous avez disputez la finale contre un trader italien. Vous étiez intervenus sur les mêmes segments de marché ?
Absolument. Mon adversaire était intervenu sur des indices actions, Dax et S&P. Je suis intervenu sur le Dax, l’Eurostoxx et le Russell.

Quel regard portez-vous sur l’environnement économique et financier actuel ?

L’environnement économique et financier est très aléatoire. De nombreuses prévisions faites s’avèrent in fine fausses. De nombreuses anticipations et contrepieds sont observés s’agissant de l’évolution des politiques monétaires de nombreuses grandes banques centrales comme la BCE ‘au sujet de l’amplification du programme de quantitative easing), la Fed (concernant la remontée des taux directeurs). Les incertitudes sont multiples.

De ce fait, j’estime qu’il est très difficile de prévoir les variations de cours dans un horizon supérieur à deux-trois jours et mon approche de l’investissement sur les marchés s’inscrit sur un horizon très court. J’interviens principalement sur des variations intra-day.

Le regain de volatilité de ces dernières semaines rend le cadre plus propice à une activité de trading ?
Très clairement. Plus il y a de la volatilité sur les marchés, plus cela créé des opportunités d’intervention.

Sur quel segment de marché intervenez-vous le plus en ce moment ? Autrement dit dans quel segment les variations sont les plus intéressantes à jouer actuellement ?
Indéniablement, le segment qui offre le plus d’opportunités profitables en ce moment est celui des indices actions européennes. La plage horaire est plus élargie que pour les indices actions américaines.
Nous avons pu relever de très fortes variations au sein d’une même journée sur les indices des actions européennes, de l’ordre de 4-5%. Le pétrole est également très intéressant, en offrant régulièrement des écarts compris entre 4 et 8%.

Avez-vous un biais géographique plus spécifique ?
Principalement l'Europe, avec l’indice Eurostoxx 50. C’est un marché très liquide. Les volumes journaliers sont très importants. C’est, en outre, là que se trouvent le plus de spéculateurs court terme.

Qu’en est-il du Cac 40 ?

J’interviens également sur cet actif (là-dessus), mais de manière moindre. Même s’il y a une corrélation étroite avec l’indice Eurostoxx 50, le Cac 40 présente une moindre liquidité et plus de volatilité.

Quelle est la durée maximale et minimale de détention possible de votre position ?
Si j’ai un fort sentiment, je peux conserver ma position jusqu’à trois jours. Ce n’est pas le principal de mon activité.
De manière générale, la durée de mes interventions est comprise entre 5 minutes et une heure. (Il arrive que tienne une position juste une dizaine de minutes).

Avez-vous des préférences sectorielles ?

Non, je privilégie l’économie dans son ensemble à travers les indices actions.

Pourquoi n’intervenez-vous pas directement sur des titres vifs ?

Il y a trop de risque intrinsèque à une valeur. Le moindre bruit peut soudainement créer un décalage de 5 ou 10%.

Quels critères clés conditionnent votre stratégie d’investissement ?

La compréhension des dynamiques de marché et la détermination des zones de retournement. Au sein de la Diamond Trading Academy, où je suis formateur, l’outil principal d’intervention est le carnet d’ordres. C’est un logiciel informatique qui nous permet de visionner en temps réel tous les intervenants à l’achat et à la vente, et les flux entrants et sortants. C’est le pouls du marché.
Nous affinons notre stratégie sur la base de cet outil avec des éléments d’information sur les zones d’achat et de vente clés que nous retrouvons sur des graphiques.

Pourriez-vous nous donner des illustrations ?

Nous avons par exemple eu une belle zone vendeuse sur l’or entre 1165 et 1170 dollars l’once. S’agissant du pétrole, dès que le prix du contrat à terme atteint un niveau de 49,5-50 dollars, se matérialise une zone vendeuse intéressante et qu’il descend à 43-45 dollars se dessine une zone à l’achat attractive.

Quelles sont aujourd’hui les zones d’intervention clés pour l’Eurostoxx 50 ?

Le pic atteint depuis le « black Monday » du mois d’aout est à 3290-3300 points. C’est une zone où les opérateurs de marché ont agit massivement pour ramener le cours de l’indice à la baisse, et donc matérialiser un niveau vendeur. Le niveau vendeur du Cac 40 se situe entre 4700-4720 points.

Au-delà de la lecture de ce carnet d’ordres, y a-t-il des indicateurs économiques que vous surveillez de près, qui sont susceptibles de faire varier davantage ce carnet d’ordres ?

Non car lorsque l’indicateur économique est révélé au grand public, soit le marché a anticipé l’information. Il n’y a alors pas d’opportunité d’intervention. Sinon, le marché est pris à contrepied, c’est alors essentiellement les robots traders qui vont faire varier les cours très rapidement.

Dans ce contexte de forte volatilité, peut on admettre que toute stratégie d’investissement à moyen-long terme sur le marché des actions européennes serait improductive ?

Il me semble évident qu’il vaut mieux de jouer des écarts de prix sur du court terme que de tenir des positions à moyen-long terme. Il y a trop d’interventions extérieures qui jouent sur l’évolution des cours et qui peuvent prendre le marché à contrepied.

Au-delà des indices actions européennes, avez-vous une vision sur d’autres grands indices actions ?

Sur de l’intra-day, la corrélation entre indices actions européens et indices actions américains est très forte, de l’ordre de 80-90%. Généralement les niveaux d’intervention et la stratégie est la même sur les indices actions européens et les indices actions américains. Les niveaux de vente du S&P 500 se trouvent entre 1990 points et 2010 points (niveaux respectés en ce début de semaine, dépassés en fin de semaine).
De ce fait, il n’y a pas d’allocation géographique préférentielle à avoir. Lors les indices actions européennes récupèrent 2-3%, les indices actions américaines récupèrent plus ou moins la même variation à 0,5% près.

Pensez-vous que cette corrélation devrait se poursuivre ?
Cette corrélation est naturelle, elle doit donc se poursuivre. Les marchés européens ont toujours eu tendance à suivre les marchés américains. Les écarts ponctuels sont généralement dus aux divergences de politiques et de chiffres économiques.

En termes de perspective, le différentiel de croissance des deux cotés de l’Atlantique qui suppose une divergence dans l’évolution de la politique monétaire conduite par la BCE (assouplissement monétaire) et la Fed (resserrement monétaire), peut il conduire à un écart de corrélation entre les indices actions à très court terme, et créer plus d’opportunité sur l’un des marchés ?

A partir du moment où la Fed entamera la remontée de ses taux directeurs, cela signifiera qu’elle estime que la reprise économique américaine est suffisamment solide indépendamment de l’impact négatif que pourrait avoir le ralentissement dans la sphère émergente. Il est plausible alors de voir moins de volatilité sur le marché des actions américaines que sur le marché des actions européennes où nous continuerons à avoir des incertitudes sur le degré d’intervention de la BCE ( autour de la durée, de la taille, et de la composition du programme de quantitative easing) et sur le timing de hausse des taux directeurs dans la zone euro.

Que répondez-vous à ceux qui critiquent le trading, en tant qu’élément perturbateur des marchés financiers ?

Il existe plusieurs formes de trading. Mon approche de trading en compte propre se fait dans des proportions très faibles. Elle n’est pas de nature à conduire à une manipulation de cours contrairement aux grandes banques ou aux grands hedge funds qui ont beaucoup plus de moyens financiers.
Notre activité a plutôt un coté positif dans la mesure où elle contributrice à la création d’une liquidité plus abondante. De plus elle atténue la volatilité existante.

Qu’entendez-vous ?
J’ai généralement une intervention contrariante. A la suite d’une forte baisse, je vais me positionner à l’achat. Après une forte hausse, je vais être en position vendeuse. Ainsi mon trading pour compte propre va plus aider à lisser le phénomène d’amplification de la volatilité découlant du trading algorithmique.

Un dernier mot ?
Si l’on veut faire du trading, ma principale recommandation serait d’intervenir dans un cadre temporel très court car c’est là où on a le plus de chance de succès. Par nature, le temps c’est du risque. N’’importe quelle annonce de nature économique, financière, politique peut venir mettre à mal la meilleure des analyses prévisionnelles réalisées à six mois ou à un an.
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