La décision de la Banque du Japon (BoJ), de donner un coup d'accélérateur à son programme d'assouplissement quantitatif pour la troisième fois en quatre mois, est la dernière tentative en date des pays développés pour soutenir leur croissance en recourant à des outils non-conventionnels.

Mais les Etats émergents pourraient avoir à payer le prix de cette politique monétaire ultra-accommodante.

Avec un afflux de liquidités toujours plus important dans leurs économies du fait des rachats d'actifs initiés par les banques centrales des pays développés, ceux en voie de développement risquent de subir une appréciation de leur devise susceptible d'avoir pour effet de nuire à la compétitivité de leurs exportations.

De ce fait, ces Etats pourraient ne pas avoir d'autre choix que d'abaisser les taux d'intérêt et/ou d'intervenir pour maintenir leur devise à un niveau raisonnable.

Au risque d'alimenter l'explosion des prix du crédit et des actifs, terreau de l'inflation.

"Certains signes montrent que nous assistons actuellement à une course à la dévaluation", a commenté une source d'un pays membre des pays du G7.

S'exprimant avant la décision de politique monétaire de la BoJ, cette source avait ajouté: "Si tout le monde essaie de dévaluer sa monnaie, cela aura au final des effets néfastes sur l'économie mondiale".

La Réserve fédérale americaine, la Banque d'Angleterre et la Banque centrale européenne (BCE) ont toutes trois abaissé leurs principaux taux d'intérêt à un niveau proche de zéro et ont massivement injecté des liquidités dans leur système bancaire afin de restaurer la confiance des investisseurs et les encourager à se tourner vers des actifs plus risqués.

TENSIONS GÉRABLES

Le ministre des Finances chilien Felipe Larrain avait estimé la semaine dernière que la décision de la Fed, de prendre des mesures d'assouplissement monétaire encore plus agressives, pouvait légitimement inquiéter les Etats émergents dotés d'une croissance solide et d'un taux de change flottant.

Lors de la réunion la semaine dernière des représentants des membres du G20, actuellement présidé par la Russie, une source au fait du dossier avait rapporté que les conséquences d'une modification des taux de changes avaient été évoquées.

Toutefois, le vice-ministre des Finances russe Sergei Storchak a assuré de son côté que les ministres du G20 n'avaient pas abordé la question de la dévaluation compétitive en tant que telle au cours des deux dernières années.

"Les ministres et les banquiers centraux ne pensent pas qu'un pays du G20, quel qu'il soit, manipule volontairement son taux de change afin de stimuler ses exportations", avait déclaré Sergei Storchak début décembre.

Selon Simon Evenett, professeur d'économie à l'université St Gallen en Suisse, depuis novembre 2008 seuls cinq Etats - le Vietnam, l'Ethiopie, le Venezuela, le Nigeria et le Kazakhstan - ont déclaré dévaluer leur monnaie afin d'améliorer la compétitivité de leurs entreprises.

Même si la politique monétaire du Japon fait baisser le cours du yen et fait réagir ses voisins et partenaires commerciaux comme la Chine et la Corée du Sud, ces tensions devraient être parfaitement gérables, estime par ailleurs le professeur.

"La dépréciation d'une monnaie est davantage un effet dérivé d'une politique d'assouplissement monétaire mise en place pour soutenir la demande intérieure, qu'une politique volontariste. C'est pourquoi je ne crois pas au déclenchement d'une guerre des monnaies", ajoute-t-il.

LA MONNAIE NE FAIT PAS TOUT

En effet, cette année, les devises des pays émergents n'ont, semble-t-il, pas enregistré de mouvements réellement préoccupants.

En Asie, les cours du won coréen et du peso philippin ont jusqu'ici progressé de 7% contre le dollar en 2012. La roupie indonésienne a en revanche abandonné 6% et la roupie indienne plus de 3%.

En Amérique latine, les pesos chilien et mexicain ont grimpé de près de 10%, mais simultanément, le real brésilien a cédé 10%.

Simon Evenett souligne en outre que si les banques centrales multiplient en 2013 les mesures visant à déprécier leurs devises, les pays émergents peuvent toujours riposter en utilisant l'arme des contrôles de capitaux.

"Il est moins controversé de recourir au contrôle des capitaux depuis que le Fonds monétaire international (FMI) a donné sa bénédiction à ce genre d'outil", note-t-il, faisant référence à une note du FMI tolérant l'usage de ces contrôles dans certaines circonstances.

Quoi qu'il en soit, l'exemple britannique montre qu'une importante dépréciation ne garantit pas l'envolée des exportations.

La livre sterling a en effet perdu environ 25% de sa valeur depuis que la Banque d'Angleterre a entamé une politique d'assouplissement monétaire et pourtant le déficit commercial du pays n'a cessé de se creuser depuis, à 8,9 milliards de livres par mois, contre 8,4 milliards de livres en 2011.

En effet, le taux de change n'est que l'un des nombreux facteurs déterminant la compétitivité des exportations d'un Etat.

A l'inverse, certains membres de la zone euro, comme l'Espagne, l'Irlande ou encore le Portugal, qui n'ont pas la possibilité de déprécier leur devise, ont malgré tout réussi à enregistrer rapidement une hausse de leurs exportations en réduisant les coûts et en conquérant de nouveaux marchés.

Lidia Kelly, Leika Kihara, Catherine Monin pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten

par Alan Wheatley