ISTANBUL, 15 janvier (Reuters) - La Turquie a dévoilé lundi le tracé du "Canal Istanbul", projet destiné à offrir une nouvelle voie de commerce maritime afin de désengorger le détroit de Bosphore, en transformant en île la partie européenne de la mégalopole.

Le canal Istanbul, qui passera à l'ouest du Bosphore et sera long de 45 kilomètres, va relier la mer Noire à la mer de Marmara, a annoncé Ahmet Arslan, le ministre des Transports.

Avec la construction de centres logistiques en mer Noire et de bâtiments urbains sur les rives du canal, ce projet cofinancé par des partenariats publics et privés sera le plus cher de l'histoire du pays, a ajouté Arslan, sans préciser le coût estimé.

Le Bosphore, unique voie maritime vers les océans pour plusieurs pays de l'Est (Bulgarie, Roumanie, Ukraine, Géorgie) et pour les ports russes de la mer Noire, est l'un des axes les plus fréquentés au monde : 42.000 bateaux l'ont emprunté en 2016, quand seulement 16.800 bateaux ont transité par le canal de Suez sur la même période.

Le nouveau canal ne sera pas soumis à la Convention de Montreux concernant le régime des détroits, qui prévoit le libre passage des navires civils en période de paix, a affirmé le ministre des Transports. La Turquie sera donc libre d'appliquer des frais de passage.

Selon des documents fournis par le ministère de l'Environnement, le canal sera profond de 25 mètres et large de 250 à 1.000 mètres en fonction des lieux.

"PROJET FOU"

Ce projet fait face à de nombreuses critiques, notamment de la part des écologistes, selon lesquels les forêts seront encore davantage menacées dans une zone où le troisième aéroport de la ville est en construction et où a été inauguré en 2016 un troisième pont sur le Bosphore à l'initiative du président Recep Tayyip Erdogan.

Erdogan a lui-même qualifié de "projet fou" ce canal Istanbul lorsqu'il l'a évoqué pour la première fois en 2011.

Une étude concernant l'impact environnemental de ce projet, demandée par le gouvernement avant le début des travaux, est actuellement réalisée, a dit le ministère de l'Environnement.

Ce projet peut potentiellement nuire à l'écosystème en mer Noire et dans les zones alentour et appauvrir le niveau d'oxygène de la mer de Marmara, selon la chambre des ingénieurs en géologie, qui estime que l'étude initiale demandée par le gouvernement ne tenait pas compte de plusieurs facteurs pouvant rendre le projet non viable.

Le parti au pouvoir, l'AKP, a fait de l'industrie de la construction son principal moteur économique. Les opposants au gouvernement estiment que le cadre légal de l'industrie du bâtiment a été allégé et permet aux promoteurs d'exploiter des failles pour s'enrichir. (Ali Kucukgocmen avec Can Sezer; Jean Terzian pour le service français)