Traditionnelle valeur refuge en période d'incertitude, le métal jaune, qui a vu son cours moyen grimper tous les ans depuis 2001 ne profite pourtant pas des inquiétudes liées au "mur budgétaire".

Si la plupart des banques tablent toujours sur de nouveaux records en 2013, les éléments de soutien cités - taux d'intérêt ultra-faibles et craintes d'inflation - n'ont pas suffi à propulser les cours de l'or hors du canal dans lequel ils sont cantonnés depuis un an.

Une brève envolée en novembre, en réaction au dernier programme de stimulation monétaire de la banque centrale américaine, a rapidement donné lieu à un courant de ventes.

L'or a perdu quasiment 5% au cours des quatre dernières semaines, ce qui devrait ramener sa hausse à environ 7% cette année, son rythme le plus faible depuis 2008.

Autour de 1.664 dollars l'once, son cours 13,3% au-dessous de son record touché l'an dernier, à 1.920.30 dollars et nettement inférieur au niveau de 2.000 dollars anticipé par les investisseurs les plus optimistes à l'époque.

"En gros, les investisseurs 'baissiers' sur l'or ont déclaré, 'on n'y croit pas' et ont matraqué les cours", note Ross Norman, directeur général du négociant Sharps Pixley.

"Le vrai test pour ce marché est sa façon de réagir dans l'adversité et l'or n'a pas bien performé."

CANAL HORIZONTAL

Le prix moyen de l'or, est bien inférieur aux prévisions des analystes en début d'année, à 1.765 dollars l'once en moyenne.

Selon une enquête informelle menée par Reuters la semaine dernière, 10 des 12 analystes interrogés s'attendent encore à ce que le métal jaune atteigne de nouveaux records l'an prochain.

Mais les optimistes comptent toujours sur la faiblesse des taux, la crise de la dette en zone euro et le risque de baisse des retours sur investissements en cas d'inflation.

La crise en zone euro n'a pas non plus eu d'impact particulièrement positif sur les cours cette année, en raison de la pression qu'elle a exercée sur l'euro vis-à-vis du dollar.

Lorsque les rendements espagnols ont atteint 7% en juillet, le prix de l'or est resté près de ses plus bas de l'année.

La hausse des taux d'intérêt réels représente peut-être la plus forte menace pour l'or, dans la mesure où limite son attractivité par rapport à des actifs à plus haut rendement.

Dans une note publiée ce mois-ci, Goldman Sachs estime qu'une reprise de la croissance aux Etats-Unis pourrait entraîner une telle hausse des taux réels et, de ce fait, un retournement à la baisse des cours de l'or l'an prochain.

Le broker souligne toutefois que rien ne permet d'être assuré d'une croissance plus forte aux Etats-Unis l'an prochain, surtout en l'absence d'accord permettant d'éviter le "mur budgétaire" qui menace de replonger le pays dans la récession.

L'expression "mur budgétaire" désigne les 600 milliards de dollars de coupes budgétaires et de hausses d'impôts qui se déclencheront automatiquement si le Congrès et la Maison Blanche ne parviennent pas à un compromis d'ici la fin de l'année.

En l'absence d'accord budgétaire et donc de poursuite de la reprise américaine, on peut attendre un "rally" de l'or. Une forte hausse de l'inflation pourrait également entraîner un bond en avant du métal, qui sert de protection contre l'inflation.

PIÈCES D'OR

Quoiqu'il en soit, l'or attire encore des investisseurs. La demande physique d'or et d'instruments de placement sur le marché physique du métal jaune reste forte, le montant des fonds sur ce segment ayant volé de record en record ces derniers mois.

La demande de pièces d'or, qui a baissé au cours des trois premiers trimestres de l'année, après avoir atteint près de 40 millions d'onces en 2011, montre également des signes de reprise.

Toutefois, il faudrait probablement un moteur plus puissant que celui que l'on a connu jusqu'à présent pour provoquer un retour des cours de l'or vers les 1.900 dollar l'once et plus.

"Qu'est ce qui pourrait pousser les prix de l'or plus loin?" s'interroge Angelos Damaskos de Sector Investment Managers.

"Cela pourrait être une crise majeure dans la zone euro; s'il s'avère en cours d'année que le plan de restructuration de la Grèce n'est pas suffisant et que la Grèce demande un nouveau plan de sauvetage; si l'on découvre que l'Espagne a besoin de plus d'argent; si d'autres problèmes émergent en zone euro."

En l'absence de tels évènements, l'or devrait rester soutenu par la crainte du "mur budgétaire", l'assouplissement monétaire et les achats officiels. Mais quelque soit le soutien apporté, il ne suffira pas à tirer le métal jaune jusqu'à 2.000 dollars.

"L'environnement est bon pour l'or, mais il ne s'améliore pas tous les jours et un certain ralentissement de la tendance haussière est donc à prévoir", commente Tobias Merath, analyste chez Crédit suisse.

"Le temps de l'argent facile, quand vous pouviez vous contenter d'acheter de l'or, de le garder, et voir son cours grimper de 10, 11, 12% par an, est fini."

Nicolas Delame pour le service français

par Jan Harvey