Ce que vous ne verrez pas (trop) dans les lignes qui suivent

Nous allons démarrer par un panorama des convictions les plus consensuelles que nous avons pu grappiller dans les nombreux documents de stratégie des professionnels de la finance ces dernières semaines : 

  • Les vaccins vont permettre d’accélérer la croissance mondiale
  • La vengeance des petites et moyennes valeurs va pouvoir s’exercer
  • La vengeance de la value va pouvoir s’exercer, celle des banques sera terrible
  • L’ESG, c’est trop bien
  • Le marché actions britannique est un eldorado… en cas d’accord sur le Brexit
  • La voiture électrique, c'est trop bien
  • Le dollar, c’est plus ce que c’était
  • L'hydrogène, c'est trop bien

Si vous êtes sur les thématiques précitées, vous êtes sur la même longueur d’ondes qu’une majorité d’investisseurs. 


Promenons-nous dans les bois

Certes, je ne vais pas faire preuve d'originalité en restant dans le registre des matières premières, mais je compte tout de même sortir des sentiers battus en vous présentant une matière première qui sort de l’ordinaire - le bois de construction.

Le prix du bois, qui passe généralement sous les radars des investisseurs, s’est envolé cette année en raison d’une pénurie d'offres. La crise sanitaire a effectivement bouleversé la chaîne d’approvisionnement de la filière, en ralentissant l’activité des chantiers forestiers et des scieries alors qu’en parallèle la demande de bois n’a cessé de croître. Les périodes de confinement ont effectivement accéléré des tendances de fond, notamment celle de la banalisation du télétravail, qui nous pousse à avoir besoin de plus d’espace de vie ou bien de rénover notre chez-soi. Les chiffres des mises en chantier et des ventes de maisons individuelles reflètent cet engouement, particulièrement aux Etats-Unis, contribuant à la flambée des prix des matériaux de construction.

Bûcheron
Votre serviteur, au fond à gauche

A cet égard, je surveillerai attentivement les poids lourds de la sylviculture et pour cela, il faudra mettre le cap sur les vastes forêts canadiennes. Les producteurs du Canada croulent sous les commandes et sont les mieux placés pour tirer profit d’une augmentation des prix du bois. Je vous partage à ce titre ma liste de surveillance : West Fraser Timber, Norbord (qui ont d’ailleurs annoncé leur rapprochement fin novembre), Canfor Corporation et Interfor Corporation.

JD


Un secteur qui n’a pas dit son dernier mot

Le secteur pétrolier fait son grand retour ces derniers mois, soutenu par les espoirs de sortie de crise du Covid et surtout d’un net rebond de la croissance en 2021. Après une année 2020 sous le signe de la récession, c’est un effet “rebond” qu’espèrent désormais les économistes, facteur qui devrait en théorie porter les cours du pétrole. Loin de nous (moi?) l’idée de viser 100$, un retour vers les 60$ nous apparaît comme très probable, il faudra pour cela que les stocks de pétrole arrêtent de s'amonceler, et que les chiffres macroéconomiques, notamment chinois, continuent de dépasser les attentes. A l’intérieur de ce secteur, Total est un titre solide qui a notre préférence. En effet, la major délivre un dividende de près de 10% à l’année, les opérateurs se sont récemment rués dessus validant ainsi son attractivité, le dossier évolue avec une part de plus en plus importante dans les énergies renouvelables, raison pour laquelle cette action nous intéresserait en cas de repli significatif.

Le Brent et l'indice sectoriel européen du pétrole ont (re)commencé à rebondir en novembre
Le Brent et l'indice sectoriel européen du pétrole ont (re)commencé à rebondir en novembre

D’autres dossiers sont intéressants à suivre dans le secteur à l’image de Rubis. Par contre, nous éviterons les sociétés parapétrolières du type CGG ou Vallourec dans une optique d’investissement, ces titres sont spéculatifs et permettent aux traders de profiter de plus de volatilité, mais leurs dynamiques baissières de très long terme nous invitent à la prudence. 

NC


Le dollar va poursuivre sa baisse

Le dollar américain est actuellement autour de son plus bas niveau depuis avril 2018. Et cela risque de perdurer en 2021 car les investisseurs continuent de préférer les actifs plus risqués. Le greenback a connu une baisse d'environ 6 % depuis le début de l'année 2020, générée par les opportunités sur les marchés actions en raison notamment de la série de bonnes nouvelles sur les vaccins et de la victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine. L'euro et la livre sterling ont atteint en décembre leurs plus hauts niveaux depuis deux ans par rapport au dollar, tandis que le franc suisse a atteint son plus haut niveau depuis presque six ans.

Le dollar a glissé d'environ 9% face à l'euro en 2020
Un semestre chacun

Tous les facteurs qui ont contribué à la baisse du dollar et à l’attractivité des actions (progrès des vaccins, taux directeurs bas, victoire de Joe Biden, perspective de plan de relance à Washington, politique accommodante de la Fed…etc.) vont persister en 2021 ce qui augure d’une politique budgétaire et monétaire volontairement expansionniste, causant ainsi une nouvelle dynamique de baisse du dollar.

De plus, le déficit des comptes courants aux États-Unis a connu une détérioration record cet été, tout comme le taux d'épargne national net. Le pays devra donc emprunter davantage, ce qui pourrait pousser le dollar encore plus bas.

RF


Masimo, pour profiter de la nécessaire mutation des systèmes de santé  

La crise mondiale induite par la pandémie de COVID aura au moins eu le mérite de souligner les points faibles des systèmes de santé nationaux. Les mesures de distanciation draconiennes et les “stop-and-go” qui  s’en sont suivi sont dûs en grande partie à cette mauvaise organisation et laisse présager des aménagements substantiels. Dans ce contexte, les entreprises qui pourraient à l’avenir profiter de cette réorganisation des services de santé ont un atout dans leur manche. La californienne Masimo Corporation est de celles-là.  

L'activité principale de l'entreprise consiste à vérifier le taux d'oxygénation du sang de manière non invasive via sa technologie Masimo SET (Signal Extraction Technology). De manière plus générale, elle met au point et vend des systèmes de monitoring patient.

Depuis janvier, le titre a connu une hausse de plus de 71%, certainement porté par la recommandation de l'OMS qui a appelé dès le mois de mars les professionnels de santé à se doter de ce type de technologies afin de détecter précocement les insuffisances respiratoires dues à l'infection par la COVID-19. À la fin du mois de mars, l'entreprise a annoncé, en partenariat avec le centre hospitalier universitaire de l'Ohio, la mise au point du système Masimo SafetyNet conçu pour aider les cliniciens à soigner les patients à distance. Plus récemment encore et dans un autre registre, le 12 décembre, la compagnie a annoncé qu’une étude avait cité sa technologie Masimo SpHb. Elle est associée à une réduction des séjours en soins intensifs et des transfusions. Ce genre de nouvelle va à mon avis dans le  sens de l’histoire, en associant possible réductions des coûts d’hospitalisation et efficacité thérapeutique.

De plus, nos screeners accordent à Masimo la note d'investissement maximale. La marge d'exploitation prévue pour 2020 est de 23% et la marge nette, de 19.5%. L'EBITDA n'a cessé de croître ces dernières années, passant de 217 millions USD en 2017 à 248 millions en 2019. De plus, les analystes prévoient 294 millions USD à la fin de l'exercice 2020 et 329 millions en 2021. L'entreprise devrait générer un Free Cash Flow de 152 millions USD en 2020, et de 226 millions en 2021, ce qui devrait lui laisser une bonne marge de manœuvre financière. Seule ombre au tableau, le dossier affiche un PER de 71.5. 

ER


L’argent va continuer de couler à flot

Je ne fais pas dans l’originalité en prévoyant que les banques centrales vont continuer leur soutien massif aux entreprises l’année prochaine. En effet, bien que les premiers vaccins aient été administrés, la situation sanitaire en Allemagne ou dans les pays d’Extrême-Orient montre que le virus résiste encore et toujours. Les effets de la vaccination n’atteindront une réelle efficacité qu’au début du deuxième semestre 2021 : il faudra donc bien trouver de l’aide quelque part en attendant.

Bilan des principales banques centrales
On est les champions ! On est les champions ! On est, on est on... Oulah mince !

Cet afflux de liquidités injectées dans les économies mondiales est insoutenable selon le dernier rapport réalisé par le prédécesseur de Christine Lagarde à la BCE, Mario Draghi. Le rapport indique que ces liquidités ne font que masquer l’ampleur de la crise. Il propose de se concentrer sur trois domaines fondamentaux : la santé à long-terme des entreprises, l’utilisation productive des ressources et la prévention des dommages collatéraux en assurant la solidité du système financier. Toutes ces mesures visent à éviter une crise de solvabilité mondiale qui pourrait paralyser des économies dépendantes des aides après la pandémie. Je suppose que les petites PME seront les premières touchées par une vague de faillite sans précédent tout au long de l’année prochaine. Les grandes entreprises dont les secteurs sont paralysés par la pandémie devraient s’en sortir grâce à l’aide massive des gouvernements et des banques centrales. De mon point de vue, cette année 2021 ne va faire qu’accentuer les disparités entre les entreprises. Bien qu’une réduction des aides généralisées serait sans doute mal vue, des soutiens plus ciblés seraient plus sains pour l’économie sur le long-terme.  

CG


Ce qui ne se produira pas (quoique)

Quand on pilote des projets, que ce soit en entreprise, dans la sphère publique ou pour son compte personnel, on finit en général par découvrir qu'il existe quasiment toujours trois scénarios. Celui qui a toutes les chances de se produire, celui qu'on aimerait voir se produire et celui dont on n'imagine même pas en rêve qu'il puisse se produire. Evidemment, c'est quasiment toujours le scénario 1 qui l'emporte. Mais le scénario 3 est le plus original, parce qu'il est le plus inattendu. En la matière, 2020 fut une année d'école : fin 2019, un scénariste d'Hollywood avait plus de chance d'avoir raison qu'un banquier d'affaires.

Plutôt que de vous recommander de l'Air Liquide, je vous livre en exclusivité mondiale les scénarios hypothétiques explosifs de l'année 2021 :  

  • La Chine et l'Inde s'affrontent militairement. Je vous avais prévenu, je ne fais pas dans la dentelle. Dernièrement, des escarmouches ont eu lieu entre les deux géants asiatiques, lesquelles ont quand même coûté la vie à quelques soldats. On le sait peu, mais un conflit avait déjà éclaté en 1962, pour des revendications territoriales non encore soldées à ce jour. Avec près de 3400 km de frontières communes et des ambitions économiques pas toujours compatibles, les deux pays ont plus d'un motif de friction.
  • Un industriel réussit une percée majeure et inattendue dans le domaine du stockage de l'énergie, accélérant l'avènement de la fée électricité. Cette technologie est suffisamment révolutionnaire pour régler le problème des énergies renouvelables à production variable. Beaucoup de conséquences économiques, à commencer par la rotation vers les bénéficiaires de la transition énergétique qui accélère.
  • Donald Trump reste Président des Etats-Unis. Après avoir laissé entendre qu'il reconnaissait sa défaite, Donald Trump refuse de quitter la présidence et s'appuie sur l'armée, QAnon et ses partisans pour rester au pouvoir. Il est aussitôt félicité par ses amis Kim Jong-un et Jair Bolsonaro.
Donald Trump
Coucou, c'est encore moi
  • Le brutal affaiblissement du Gulf Stream change le climat en Europe de l'Ouest. Les bouleversements climatiques, notamment la fonte des glaces, accélèrent au-delà de toutes les attentes scientifiques et l'Europe se prépare à perdre jusqu'à 3°C sur ses moyennes habituelles. C'est une bonne nouvelle pour les objectifs de l'UE sur le réchauffement climatique, mais il faudra s'habituer à des hivers plus rigoureux… et probablement à un nouvel afflux d'Européens du nord en villégiature au sud.
  • Le revenu universel gagne du terrain. Le dispositif est discuté dans plusieurs pays, et plus uniquement dans des cercles plus confidentiels. En 2021, de grandes économies développées décident de déployer un revenu de base à grande échelle, en réponse aux inégalités accrues par la crise sanitaire.
  • Une cyberattaque d'une ampleur inégalée paralyse durablement un grand acteur du numérique. Imaginez un peu le pataquès. "Cela fait maintenant six semaines que les services de Facebook, WhatsApp et Instagram sont inaccessibles et la société n'est pas capable de dire quand elle sera en mesure de restaurer ses applications, ni même si elle pourra le faire un jour", ou quelque chose du genre. 

AB


Bilan 2020

En ce qui concerne le bilan desconvictions de l'année précédente, saluons les prédictions de Charles, qui avait vu l'ESG surperformer le reste de la cote, et de Marie-Léa, qui avait conseillé de se pencher sur la fintech (sans parler de Wirecard, ouf). Alexis et Romain (GNL et CO2) s'en sortent sans dommage. Mention spéciale à Gallien qui avait conseillé Groupe LDLC et ses +245% cette année (bon, il avait aussi cité Catana, -24%). Anthony ne croyait pas à un démantèlement des géants de la tech en 2020 : bien vu, mais a-t-il changé d'avis pour 2021 ? Jordan avait pronostiqué un décollage du cobalt, mais il se fait un peu attendre. Quant à Patrick, il nous avait proposé une stratégie optionnelle pour faire face à un marché moins haussier… et "une stratégie plus agressive pour se protéger d’un scénario de forte baisse des marchés… qui permet de couvrir la perte sur les actions en cas de repli brutal accompagné d’une recrudescence de la volatilité". Un vrai gourou.