(actualisé avec accusations de harcèlement de l'opposition, 4e, 5e §)

par Drazen Jorgic et Aaron Maasho

ADDIS-ABEBA, 24 mai (Reuters) - Les Ethiopiens se sont rendus aux urnes dimanche pour des élections législatives qui devraient se traduire par un raz-de-marée en faveur du parti au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE), qui s'attribue la paternité de la forte croissance économique du pays.

Au pouvoir depuis près de 25 ans, le FDRPE a présidé à la transformation d'un pays qui était sur les genoux après les purges de l'époque communiste et une série de famines, mais qui, aujourd'hui, attire les investisseurs étrangers.

L'opposition estime pour sa part que le parti au pouvoir laisse peu de place aux voix discordantes et foule aux pieds les libertés. Un seul des 547 sièges du parlement sortant est détenu par l'opposition.

"Dans un grand nombre de communautés villageoises, nos sympathisants sont harcelés et nos représentants sont refoulés. On les contraint à voter pour le FDRPE", a dit à Reuters Bekele Nagaa, membre de la coalition d'opposition Medrek.

Le gouvernement a rejeté ces accusations et assuré qu'il réprimerait toute violation. "En aucun cas le parti gouvernemental ne cautionne de telles menées", a assuré le porte-parole du gouvernement, Redwan Hussein.

Les politologues ne s'attendent à aucune amélioration sensible de la situation pour l'opposition lors de ce scrutin, qui devrait donner un nouveau mandat au Premier ministre sortant, Hailemariam Desalegn, à la tête du FDRPE depuis la mort, en 2012, de Meles Zenawi, ancien rebelle devenu homme d'Etat et qui a placé l'Ethiopie sur la voie du redressement économique.

L'économie éthiopienne est l'une des plus dynamiques du continent africain, dopée par les investissements d'Etat dans des grands travaux publics - chemins de fer, barrages hydroélectriques et routes. La Banque mondiale prévoit pour l'année qui commencera en juillet une croissance de 10,5%.

CRAINTE DE FRAUDE

Pour une partie de la population, cependant, le moment est venu de changer le personnel dirigeant du pays.

"J'en ai assez du parti au pouvoir. Nous sommes un pays jeune et des gens jeunes, et nous avons soif de changement", déclare un Ethiopien de 28 ans, qui s'est exprimé sous le sceau de l'anonymat par peur de représailles. Le jeune homme a confié qu'il comptait voter pour le parti Bleu (opposition).

L'issue du scrutin ne faisant guère de doute, certains électeurs ne comptaient pas se déplacer pour aller voter.

"Ces élections n'apporteront aucun changement", déclarait Behailu Ayele, 25 ans, qui n'avait pas l'intention d'aller voter. Et d'ajouter : "Il est déjà acquis que le FDRPE l'emportera comme lors des scrutins précédents, grâce à la fraude".

Les résultats provisoires devraient se dessiner d'ici quelques jours, et les résultats définitifs ne seront pas proclamés avant le mois de juin dans ce pays de 96 millions d'habitants, dont 37 millions d'électeurs inscrits.

Les organisations de défense des droits civiques accusent le pouvoir d'emprisonner des blogueurs et des journalistes pour délits d'opinion, et plus généralement de limiter la liberté d'expression. Les autorités démentent et affirment n'emprisonner que des personnes soupçonnées de crimes, et elles ont assuré qu'elles garantiraient un scrutin libre et honnête.

L'opposition avait, fait sans précédent, remporté 147 sièges lors des élections de 2005, mais la majeure partie des élus de l'opposition n'avaient pas siégé, estimant que le scrutin avait été truqué. Des membres de l'opposition l'avaient emporté dans certaines circonscriptions de la capitale, Addis-Abeba, mais nombre d'entre eux avaient boudé le parlement et des émeutes avaient éclaté après ces législatives, faisant 200 morts. (Eric Faye pour le service français)