(Actualisé avec réactionsz irakienne et turque)

par Maher Chmaytelli

ERBIL, Irak, 24 septembre (Reuters) - Les Kurdes d'Irak se prononceront bien lundi sur l'indépendance de leur région autonome, a annoncé dimanche Massoud Barzani, président du gouvernement régional du Kurdistan (GRK).

"Nous allons au référendum", a confirmé Barzani, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse à Erbil, la capitale du territoire administré par les Kurdes dans le nord de l'Irak, balayant l'hostilité des principaux acteurs de la région qui redoutent les conséquences de cette consultation.

Si comme il l'espère le "oui" l'emporte, l'exécutif autonome cherchera à engager un dialogue avec le gouvernement central de Bagdad, dirigé par les chiites, en vue de mettre en oeuvre l'indépendance, même si, a-t-il précisé, cela doit prendre deux ans ou plus.

Mais, a-t-il prévenu, "nous ne reviendrons jamais à Bagdad pour renégocier le partenariat qui a échoué", ajoutant que l'Irak était devenu un Etat "théocratique, confessionnel" et non la démocratie qui était censée être érigée après le renversement de Saddam Hussein en 2003.

"Seule l'indépendance peut consoler les mères de nos martyrs. Seule l'indépendance peut nous permettre de garantir notre avenir", a-t-il dit.

Barzani a précisé avoir récemment rencontré Qassem Soleimani, le commandant en chef des gardiens de la révolution iranienne, qui a tenté de le convaincre de reporter le vote.

Dans une déclaration à la télévision, le Premier ministre irakien Haïdar al Abadi a affirmé que cette consultation était, à ses yeux, anticonstitutionnelle et que son gouvernement s'y opposait. Ce scrutin, a-t-il dit, "pourrait conduire à des divisions ethniques de nature à exposer (les Irakiens) à des dangers désastreux, seulement connus de Dieu".

MISE EN GARDE DE LA TURUIE

Barzani a tenté de dissiper les inquiétudes de l'Iran et de la Turquie, les deux puissants voisins de l'Irak qui redoutent une déstabilisation de la région tout entière, en s'engageant à respecter les frontières internationales.

"La Turquie n'acceptera jamais une modification de la situation ou l'apparition de quelconques nouvelles formations à sa frontière sud", a déclaré le Premier ministre turc. "Le KRG sera le premier responsable des possibles développements après ce référendum", a-t-il ajouté.

Téhéran comme Ankara craignent les répercussions qu'aurait une sécession du Kurdistan irakien sur leurs propres régions kurdes.

A la demande du gouvernement central de Bagdad, l'Iran a du reste annoncé dimanche la suspension des liaisons aériennes à destination d'aéroports au Kurdistan irakien. Cité par l'agence de presse Fars, Keyvan Khosravi, porte-parole de la plus haute instance de sécurité de la république islamique, a ajouté que l'espace aérien iranien était également interdit aux vols en provenance d'Erbil et de Souleimaniye, les deux aéroports du Kurdistan irakien.

Cet embargo aérien est la première mesure concrète prise en riposte au référendum. De son côté, Ankara s'est dit prêt à mettre en oeuvre des mesures de rétorsion d'ordre sécuritaire, économique, politique et diplomatique.

Les Etats-Unis ont également exhorté le GRK à annuler le vote. Dimanche matin, l'ambassade des Etats-Unis à Bagdad a lancé une mise en garde à ses ressortissants face aux risques d'incidents susceptibles d'éclater.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une déclaration mettant en garde contre son effet "potentiellement déstabilisateur" pour l'Irak. (avec le bureau de Dubaï; Henri-Pierre André et Pierre Sérisier pour le service français)