par Daren Butler

SURUC, Turquie, 21 septembre (Reuters) - Les rebelles kurdes de Turquie ont renouvelé leur appel à aller combattre dans le nord de la Syrie pour contrer une offensive de l'Etat islamique (EI) alors que les autorités turques et les Nations unies se préparaient dimanche à un nouvel afflux de réfugiés à la frontière.

Environ 70.000 Kurdes syriens ont fui en Turquie depuis vendredi en raison de la progression des combattants de l'Etat islamique en direction d'Aïn al Arab, appelée Kobani en kurde. Les radicaux sunnites de l'EI se sont emparés de plusieurs dizaines de villages autour de cette localité depuis le début de leur offensive mardi.

Un député kurde de Turquie s'étant rendu à Kobani samedi rapporte que les habitants lui ont déclaré que les combattants de l'Etat islamique décapitaient des gens en progressant de villages en villages.

"Plus qu'une guerre, c'est une opération de génocide (...) Ils vont dans les villages et coupent la tête d'une ou deux personnes et les brandissent devant les villageois", a déclaré Ibrahim Binici, élu du parti turc pro-kurde HDP, à Reuters.

"C'est vraiment une situation honteuse pour l'humanité", a-t-il ajouté, en réclamant une réaction de la communauté internationale. Cinq de ses collègues députés prévoient d'entamer une grève de la faim devant les locaux de l'Onu à Genève pour inciter les gouvernements à agir, a-t-il dit.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui tente de rendre compte du conflit civil en Syrie, des combats se sont poursuivis dans la nuit de samedi à dimanche autour de Kobani. Dix combattants de l'Etat islamique ont péri, ce qui porte le bilan dans leurs rangs à au moins 39 morts dans cette offensive. Au moins 27 combattants kurdes ont été tués.

CHANTS PATRIOTIQUES

L'Etat islamique a pour le moment pris le contrôle d'au moins 64 villages autour de Kobani à l'aide d'armements lourds et de milliers d'hommes. Les djihadistes ont exécuté au moins 11 civils samedi, dont au moins deux garçons, selon l'OSDH.

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement séparatiste ayant pris les armes en 1984 contre l'Etat turc, a renouvelé son appel aux jeunes kurdes du sud-est de la Turquie à aller combattre pour la défense de Kobani.

"Soutenir cette résistance héroïque n'est pas seulement une dette d'honneur des Kurdes mais de tous les habitants du Proche-Orient. Simplement apporter son soutien n'est pas suffisant, le critère doit être de prendre part à la résistance", écrit le PKK sur son site internet.

"Le fascisme de (l'Etat islamique) doit se noyer dans le sang qu'il répand (...) La jeunesse du Nord-Kurdistan (le sud de la Turquie-NDLR) doit affluer par vagues à Kobani", ajoute-t-il.

Une station de radio émettant de Kobani a diffusé des chants patriotiques kurdes évoquant des martyrs et des combattants héroïques, que des auditeurs écoutaient dans leurs voitures en Turquie. Des messages du chef militaire kurde Murat Karayilan ont aussi été diffusés pour tenter de mobiliser des combattants.

L'Agence de l'Onu pour les réfugiés (HCR) et les autorités turques disent se préparer à l'arrivée possible de centaines de milliers de personnes supplémentaires dans les prochains jours.

Kobani avait jusqu'à présent été relativement épargnée par le conflit en Syrie, ce qui fait que 200.000 déplacés y avaient trouvé refuge avant l'offensive de l'Etat islamique, selon les estimations du HCR.

Pour les djihadistes, cette ville revêt une importance stratégique en raison de sa proximité avec la frontière. Sa prise leur permettrait de consolider leurs territoires dans le nord de la Syrie. (avec Sylvia Westall à Beyrouth et Stephanie Nebehay à Genève; Bertrand Boucey pour le service français)