Charley Grant,

The Wall Street Journal

NEW YORK (Agefi-Dow Jones)--Le secteur de la santé traverse une période de transformation majeure. La situation est telle que les entreprises du secteur ont plus à perdre à observer le statu quo qu'à risquer des acquisitions, quel qu'en soit le prix.

Les géants américains Amazon.com, Berkshire Hathaway et JPMorgan Chase ont annoncé le mois dernier le futur lancement de leur propre structure à but non lucratif visant à garantir des frais médicaux plus abordables à leurs salariés. Séparément, le Wall Street Journal a signalé la semaine dernière qu'Amazon comptait développer son activité dans les équipements médicaux afin de devenir un fournisseur majeur des hôpitaux et des cliniques ambulatoires aux Etats-Unis.

Le secteur de la santé, qui représente une part de plus en plus importante de l'économie, constitue depuis des années l'une des meilleures cibles d'investissement. Or la perspective d'une concurrence nouvelle et bien capitalisée, associée à un contrôle public de plus en plus strict de dépenses en constante augmentation, jette de sérieux doutes sur la viabilité à long terme d'entreprises jusqu'à présent dotées d'avantages compétitifs exclusifs, protégées selon l'expression de Warren Buffett par leurs "douves économiques".

Ces changements ne se produiront pas du jour au lendemain. Le secteur américain de la santé étant très complexe et très réglementé, il ne sera pas facile de bousculer le système, mais mieux vaut prendre la menace au sérieux dès maintenant. C'est cette dynamique qui a poussé les dirigeants du secteur à se lancer dans une course aux opérations de fusions-acquisitions, dans l'optique de préserver leur avantage compétitif.

Des groupes spécialisés sortent de leur pré carré

Au vu des récentes transactions et discussions, il est en outre évident que les acteurs de la santé n'hésitent plus à sortir de leur pré carré habituel. Selon le Wall Street Journal, le groupe pharmaceutique Walgreens Boots Alliance a entamé des discussions préliminaires en vue de racheter le distributeur de médicaments AmerisourceBergen. Son concurrent CVS Health a de son côté annoncé en décembre l'acquisition de l'assureur santé Aetna pour 69 milliards de dollars. L'assureur UnitedHealth Group a pour sa part mis la main sur des cabinets médicaux et centres de soins chirurgicaux, dans le but évident de réduire ses dépenses hospitalières, et plusieurs grands réseaux hospitaliers non lucratifs ont par ailleurs entrepris de démarrer leur propre laboratoire de médicaments génériques.

S'ils n'ont pas adopté cette stratégie d'intégration verticale, les groupes pharmaceutiques ne restent pas pour autant les bras croisés. Sanofi et Celgene se sont chacun offert un laboratoire de biotechnologies pour bien commencer l'année, et Bristol-Myers Squibb a annoncé qu'il verserait près de 2 milliards de dollars à Nektar Therapeutics pour une coopération dans le développement d'un traitement d'immuno-oncologie.

Les prix des actifs tendent en conséquence à augmenter. Les opérations réalisées depuis le début de l'année dans le secteur de la santé ont affiché une valeur d'entreprise moyenne de 17 fois l'excédent brut d'exploitation, selon Dealogic, contre 15 l'an dernier.

Dans ce contexte, certaines entreprises paieront inévitablement trop cher pour les actifs convoités tandis que d'autres s'aventureront dans des partenariats voués à l'échec. Compte tenu des bouleversements en cours dans l'ensemble du secteur, le véritable risque consisterait surtout à ne rien faire. Que l'on soit acheteur ou vendeur.

-Charley Grant, The Wall Street Journal

(Version française Emilie Palvadeau) ed: ECH