par David Ljunggren et Anthony Esposito

WASHINGTON, 17 août (Reuters) - Les Etats-Unis ont affiché mercredi leur fermeté à l'entame des discussions avec le Canada et le Mexique sur une renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena), en exigeant de leurs partenaires d'importantes concessions en vue de réduire le déficit commercial américain vis-à-vis de ces deux pays.

Durant la campagne ayant abouti à son élection à la présidence des Etats-Unis en novembre dernier, Donald Trump a menacé de renoncer à cet accord signé en 1994 faute d'évolutions majeures.

Robert Lighthizer, son représentant au Commerce, a prévenu mercredi au début des discussions à Washington que le président américain ne se contenterait pas de "simples ajustements".

"Nous avons le sentiment que l'Alena a fondamentalement déçu nombre, nombre d'Américains et nécessite d'être fortement amélioré", a-t-il dans une allocution inaugurale reflétant l'opinion défendue par Donald Trump selon laquelle cet accord de libre-échange a détruit l'emploi industriel aux Etats-Unis, notamment dans le secteur automobile.

Robert Lighthizer a rappelé au Canada et au Mexique que les Etats-Unis étaient leur principal client et qu'ils profiteraient de ce statut pour tenter de leur arracher des concessions. Les Etats-Unis veulent notamment durcir les règles sur l'origine des marchandises circulant au sein de l'Alena afin en particulier d'imposer un "contenu américain substantiel" dans les automobiles.

Autre point de friction, le représentant américain au Commerce a aussi réclamé des changements dans le mode de réglement des litiges entre pays de l'Alena afin de permettre aux Etats-Unis d'exercer leur "souveraineté nationale" et d'imposer davantage de taxes antidumping au Canada et au Mexique.

CANADA ET MEXIQUE PAS SURPRIS

Chrystia Freeland, la ministre canadienne du Commerce, a laissé entendre cette semaine que son pays quitterait ces pourparlers si les Etats-Unis réclamaient une abrogation du chapitre 19 de l'Alena prévoyant le recours à des commissions binationales pour régler les différends commerciaux.

Dans sa première déclaration, elle a dénoncé une obsession américaine sur la réduction du déficit commercial des Etats-Unis. "Le Canada ne considère pas les excédents et les déficits commerciaux comme la première mesure permettant de savoir si une relation commerciale fonctionne", a-t-elle dit.

Le ministre mexicain de l'Economie, Ildefonso Guajardo, a lui aussi défendu l'Alena en jugeant que cet accord devait être modernisé pour accroître, et non réduire, les échanges commerciaux entre ses membres.

"Pour qu'un accord soit fructueux, il doit fonctionner pour toutes les parties impliquées. Sinon, ce n'est pas un accord", a-t-il dit.

Les milieux d'affaires américains mettent aussi en garde contre une remise en cause de l'Alena, qui a notamment permis aux constructeurs automobiles de disposer de sites d'assemblage au Mexique et à l'industrie agroalimentaire américaine d'accroître ses exportations.

Les délégations canadienne et mexicaine n'ont pas été surprises par la tonalité du discours de Robert Lighthizer.

"Le discours de M. Lighthizer était fortement tourné vers la politique intérieure des Etats-Unis. Le président Trump a promis de renégocier l'Alena", a dit le négociateur en chef de la province canadienne du Québec, Raymond Bachand, à la presse. "Il y a beaucoup de stratégie aujourd'hui parce qu'il est évident que les milieux d'affaires américains ont un seul objectif: ne pas abîmer (l'Alena)." (Avec Lesley Wroughton, David Lawder et Ginger Gibson à Washington et Karl Plume à Chicago; Bertrand Boucey pour le service français)