Les arbitrages présentés en conseil des ministres par la ministre de l'Artisanat, Sylvia Pinel, avaient pour but de calmer la grogne des "poussins", ces autoentrepreneurs inquiets de la réforme de leur statut, vu comme une source de concurrence déloyale par les artisans.

"Le gouvernement a souhaité présenter une réforme juste, une réforme équilibrée qui permette de réconcilier les uns et les autres", a déclaré Sylvia Pinel lors d'une conférence de presse.

Il prône l'abaissement du seuil de chiffre d'affaires autorisé pour rester dans le régime de l'autoentrepreneur de 81.500 euros à 47.500 euros pour le commerce et de 32.600 à 19.000 euros pour l'artisanat et les professions libérales.

Le mouvement des "poussins", qui revendique 100.000 signatures de la pétition qu'il a lancée sur internet, a estimé dans un communiqué que le chiffre d'affaires fixé par le gouvernement programmait "la mort de dizaines de milliers d'activités d'autoentrepreneurs".

"19.000 euros de chiffre d'affaires, c'est à peine l'équivalent d'un SMIC brut!" a déclaré dans un communiqué Adrien Sergent, initiateur du mouvement, qui annonce des mobilisations dans les semaines à venir pour inciter les parlementaires à corriger le tir lors de l'examen du projet.

L'autoentrepreneur rejoindra un régime classique de création d'entreprise une fois les seuils de chiffre d'affaires dépassés au cours de deux années consécutives.

"Il bénéficiera d'une période de transition pendant laquelle un dispositif de lissage des cotisations sociales et de la fiscalité sera mis en place", a précisé le gouvernement dans son compte rendu du conseil des ministres.

"SALARIAT DÉGUISÉ"

L'exonération de cotisation forfaitaire minimale maladie des travailleurs indépendants sera doublée pour rapprocher les régimes classiques du régime de l'autoentrepreneur et lisser le basculement de l'un à l'autre, a expliqué le gouvernement, qui n'a pas encore chiffré le coût de ces mesures.

Le gouvernement espère par cette mesure éviter un effet couperet où un autoentrepreneur dont le chiffre d'affaires dépasse légèrement le seuil verrait ses charges bondir.

Afin de répondre aux critiques des artisans traditionnels qui se plaignent que les autoentrepreneurs les concurrencent sans qualification ou police d'assurance appropriées, le gouvernement va mettre en place des systèmes de contrôle et d'information pour les consommateurs.

Le but de la réforme est aussi de lutter contre le "salariat déguisé", une dérive par laquelle des employés sont encouragés par leurs patrons qui cherchent à payer moins de charges à devenir autoentrepreneurs tout en continuant à travailler pour eux.

Sylvia Pinel a précisé que le texte de la réforme devrait être présenté en conseil des ministres avant la fin du mois de juillet pour être débattu au Parlement à l'automne. Sa mise en oeuvre est attendue début 2015 sans effet rétroactif.

Le secrétaire national de l'UMP Jonas Haddad s'est dit "indigné" par cette décision de limiter un régime qui a fait ses preuves et a annoncé un "choc de complexification".

"Le gouvernement condamne un régime simple et approuvé par une immense majorité des électeurs de droite comme de gauche", ajoute-t-il dans un communiqué.

La secrétaire générale adjointe de l'UMP Camille Bedin a quant à elle dénoncé un "suicide forcé des autoentrepreneurs".

Instauré par l'ancien président Nicolas Sarkozy en 2009 pour faciliter la création d'entreprises individuelles, le régime de l'autoentrepreneur a aussi permis, selon le gouvernement actuel, à des milliers de Français de se constituer un revenu d'appoint sans recours au travail au noir.

Avec Marion Douet, édité par Yves Clarisse

par Julien Ponthus