PARIS (AFP) --Il sera bien possible de renégocier chaque année son assurance emprunteur, y compris les contrats actuels: le Conseil constitutionnel l'a validé vendredi, donnant tort à un secteur bancaire engagé dans une bataille farouche avec les assureurs pour le contrôle d'un marché crucial.

Depuis le 1er janvier, les emprunteurs peuvent renégocier tous les ans le contrat assurant leur prêt, alors qu'il est généralement souscrit auprès de la banque prêteuse. Ce sont les conséquences de la loi dite Bourquin, adoptée l'an dernier.

La disposition concerne avant tout les crédits immobiliers. Elle s'inscrit dans une vague de libéralisation après les lois Lagarde de 2011 et Hamon de 2014. Mais, depuis son entrée en vigueur, elle se trouvait menacée dans le cadre d'une lutte entre compagnies d'assurances, qui la promeuvent, et banques, qui s'y opposent.

Les secondes, via la Fédération bancaire française (FBF), avaient saisi le Conseil d'Etat afin d'annuler les dispositions clés de la loi. Celui-ci s'en était remis au Conseil constitutionnel, dont la décision était avidement attendue par l'ensemble des acteurs: banques, assureurs, courtiers, associations de consommateurs...

Finalement, l'institution prend une décision sans ambage, jugeant conforme à Constitution la renégociation annuelle de l'assurance emprunteur et donnant tort aux arguments défendus devant les "sages" par le camp bancaire.

Celui-ci dénonçait l'aspect rétroactif de la loi Bourquin qui rend la renégociation annuelle possible pour tous les contrats, y compris ceux signés avant l'adoption de la nouvelle loi.

Le Conseil a mis en avant "l'intérêt général" d'une telle rétroactivité.

L'institution ajoute que la loi laisse assez de marge pour refuser la résiliation du contrat existant, au cas où l'emprunteur n'est pas en mesure de trouver une offre au même niveau de garantie au créancier.

Notre réaction "est positive sans nuance", s'est réjoui auprès de l'AFP Pascal Demurger, directeur général de la compagnie d'assurances Maif, dénonçant "un marché qui n'a aucune fluidité avec aucun choix en pratique et des niveaux de marge excessifs a minima."

- Un marché à neuf milliards -

Selon les chiffres de la Fédération française de l'assurance (>> First Trust Enhanced Equity Income Fund) pour 2016, le marché, évalué à près de neuf milliards d'euros de cotisations, reste très largement dominé par les banques: quelque 88% des prêts sont assurés par l'établissement créancier.

Dans un bref communiqué prenant acte de la décision de Conseil constitutionnel, la FBF a ainsi insisté sur le fait que "les banques françaises restent attachées au principe de mutualisation qui offre un accès au crédit le plus large possible".

Pour M. Demurger, "c'est le consommateur qui gagnera au final".

De fait, les associations de consommateurs ont choisi leur camp et se sont félicitées de la décision: CLCV a salué "une victoire" et l'UFC Que Choisir, qui avait plaidé la cause de la loi Bourquin aux côtés de différentes compagnies d'assurances, une "décision salutaire".

Reste que la décision est aussi une excellente nouvelle commerciale pour les assureurs, prêts depuis de longs mois à entrer dans la brèche.

"Il faudra probablement trois à quatre ans pour que le marché se stabilise", nuance auprès de l'AFP Sylvain Coriat, spécialiste de l'assurance de personnes chez la filiale française de l'assureur allemand Allianz.

En tout état de cause, alors que la loi Hamon avait libéralisé les marchés de l'assurance dommages - cette fois à l'avantage des banques -, les résiliations n'ont pas explosé les années suivantes.

M. Coriat s'attend à voir doubler la part des contrats détenus en dehors de l'établissement qui accorde le prêt - ce qui laisserait encore une confortable majorité aux banques sur le marché.

Chez celles-ci, c'est pour l'heure la volonté de tourner la page qui prédomine, à l'issue d'une bataille parfois fratricide. Au sein de la FFA, notamment, ont dû cohabiter bancassureurs, logiques adversaires de la loi Bourquin, et mutualistes, en pointe pour défendre l'amendement.

Agefi-Dow Jones The financial newswires

Valeurs citées dans l'article : First Trust Enhanced Equity Income Fund