Berne (awp) - Les banques privées suisses demandent au régulateur de leur permettre, au même titre que les établissements de petite taille, de se soustraire à certaines obligations. Le gendarme financier ne devrait pas octroyer des allégements suivant uniquement des critères de taille, mais également de risque, ont plaidé jeudi les faîtières des banques actives dans la gestion de fortune.

En décembre dernier, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a fait différentes propositions afin de desserrer le corset réglementaire pour les petites banques, respectivement celles de catégorie 4 et 5. Ces mesures concerneraient notamment les établissements disposant de moins de 20 mrd d'actifs sous gestion.

Ce principe de proportionnalité n'est promis pour l'instant qu'aux acteurs les plus modestes, a rappelé en conférence de presse Yves Mirabaud, président de l'Association des banques privées suisses (ABPS). "Cette avancée permettrait pourtant à certains établissements de catégorie 3, comme Pictet, Lombard Odier, Julius Baer ou Vontobel, qui présentent peu de risques, de profiter aussi de certains allégements."

Pour M. Mirabaud, le gendarme financier va dans le bon sens mais "s'arrête aujourd'hui à mi-chemin". Le banquier genevois appelle de ses voeux une réglementation mieux différenciée, tenant compte de la réalité des activités des banques.

Parmi les mesures suggérées par l'ABPS figure la suppression des test de résistance ("stress tests") lorsque les indicateurs de liquidités ou de fonds propres sont suffisants.

Les banques privées souhaitent également que les rapports sur les taux d'intérêts, de défaut de contrepartie ou d'opérations sur titres soient simplifiés, mais aussi une meilleure coordination entre les exigences de la Finma et de la Banque nationale suisse (BNS).

D'une manière plus globale, Yves Mirabaud a exhorté la Finma a appliquer une réglementation efficace et proportionnée, afin de soutenir la compétitivité d'un secteur confronté à une forte concurrence internationale. Réglementation excessive et consolidation du secteur sont intimement liés, selon le banquier, qui déplore un effacement graduel de la diversité de la place financière suisse.

MARCHÉS EXTÉRIEURS

Au nom de l'Association suisse des banques de gestion (ABG), Boris Collardi a plaidé pour un agenda de réformes qui tienne compte du caractère d'exportation des activités de banque privée. Un accent particulier est mis sur l'accès aux marchés de l'Union européenne (UE) et des régions à forte croissance.

"Sur la question des équivalences, l'UE doit maintenant prouver qu'elle est un partenaire fiable et les négociations sur le Brexit ne peuvent plus constituer une excuse pour temporiser artificiellement", a insisté le président de la faîtière.

M. Collardi a regretté le manque d'une véritable filière helvétique de formation dans le domaine financier et a désigné le Swiss Finance Institute comme le candidat idéal pour assumer cette tâche. Le banquier s'est dit également favorable à une meilleure collaboration entre les établissements dans des domaines non concurrentiels comme la conformité (compliance).

Les deux associations ont également évoqué les récentes informations révélées dans le cadre des Paradise Papers, basée sur des millions de documents confidentiels ayant fuité et détaillant le fonctionnement des société offshore. M. Mirabaud a souligné que ces structures permettent de "satisfaire un légitime besoin de confidentialité, que ce soit pour des raisons familiales ou commerciales".

"Les grands médias internationaux, qui confondent moralité et légalité, font hélas fi de cette réalité", s'est emporté le banquier.

Interpellé par un journaliste pendant la conférence de presse, M. Mirabaud a reconnu la dimension "provocante" de cette prise de position, dans un contexte où la profession cherche à améliorer son image auprès du grand public. "Nous ne défendons pas une approche amorale de notre métier", s'est-il défendu.

Le président de l'ABPS a rappelé que les fuites massives de documents sont illégales et souvent orchestrées par des personnes dont l'objectif n'est pas de rendre une "virginité" au secteur financier. Selon le dirigeant, certains "centres financiers anglo-saxons" auraient tout intérêt à mettre des bâtons dans les roues aux places concurrentes.

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